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Publié par Victoire

Cas de conscience de Mathilde par Victoire

Est-ce que je vis la vie de Mme Croisenois

ou de Mme Sorel ?

Deuxième partie, chapitre 36, pages 542/543 :

Il me reste un ennuyeux devoir à remplir, pensa Julien, il faut écrire à mademoiselle de La Mole.

« Je me suis vengé, lui disait-il. Malheureusement, mon nom paraîtra dans les journaux, et je ne puis m’échapper de ce monde incognito. Je mourrai dans deux mois. La vengeance a été atroce, comme la douleur d’être séparé de vous. De ce moment, je m’interdis d’écrire et de prononcer votre nom. Ne parlez jamais de moi, même à mon fils : le silence est la seule façon de m’honorer. Pour le commun des hommes je serai un assassin vulgaire… Permettez-moi la vérité en ce moment suprême : vous m’oublierez. Cette grande catastrophe dont je vous conseille de ne jamais ouvrir la bouche à être vivant, aura épuisé pour plusieurs années tout ce que je voyais de romanesque et de trop aventureux dans votre caractère. Vous étiez faite pour vivre avec les héros du moyen âge ; montrez leur ferme caractère. Que ce qui doit se passer soit accompli en secret et sans vous compromettre. Vous prendrez un faux nom, et n’aurez pas de confident. S’il vous faut absolument le secours d’un ami, je vous lègue l’abbé Pirard.

» Ne parlez à nul autre, surtout pas aux gens de votre classe : les de Luz, les Caylus.

» Un an après ma mort, épousez M. de Croisenois ; je vous en prie, je vous l’ordonne comme votre époux. Ne m’écrivez point, je ne répondrais pas. Bien moins méchant que Iago, à ce qu’il me semble, je vais dire comme lui : From this time forth I never will speak word.

» On ne me verra ni parler ni écrire ; vous aurez eu mes dernières paroles comme mes dernières adorations.

J. S. »

  

Cas de conscience de Mathilde par Victoire

                                                                                                                             

Est-ce que je vis la vie

de Mme Croisenois ou de Mme Sorel ?

 

Hier, j'ai reçu cette lettre de Julien, c'est encore une épreuve que je vais devoir affronter, seule car il ne sera bientôt plus là pour me dire le contraire. Ci-contre, il m'annonce sa mort prochaine pour s'être vengé et le dit qu'il pense le mériter. Certes, il a accompli son action de vengeance pensant que rien ne le retenait dans cette vie, mais je trouve qu'il a été fort égoïste sur ce point. En effet, il n'a pensé ni à la femme qu'il prétend aimer, à savoir moi, Mathilde de la Mole, ni à son enfant que je porte et que je devrais élever seule ou avec un aristocrate trop bourgeois pour porter de l'importance à celui-ci. De plus, déjà qu'élever seule mon prochain enfant sera difficile, il me dit en plus de ne pas parler de son absence, l'absence de son père et de laisser cet enfant dans le plus grand mystère sans explications afin de l'honorer soi-disant. C'est évidemment pour ne pas dire que mon enfant aura un vulgaire assassin décédé comme père. Je ne pourrai jamais l'oublier comme il le dit car je verrai pour toujours son caractère mêlé au mien à travers notre enfant.

Mon âme est troublée car ce malheur que je porte et que je porterais tout au long de ma vie m'achèvera si je ne peux me confier à personne d'autre qu'à l'abbé Pirard, car il me conseille de ne pas avoir de confident et encore moins provenant de ma classe comme les Luz ou les Caylus. Pendant une année, je vais vivre seule ou accompagnée d'un amant trouvé en campagne avec qui je ne pourrais jamais partager un amour sincère et épanoui. Ensuite, je devrais épouser M. Croisenois qui me faisait la cour car Julien me l'ordonne.

Certes, cette situation me sauvera de la solitude d'après lui et m'offrira une vie paisible et confortable mais je n'en suis point certaine. Effectivement, je ne cesserais de penser à lui en voyant ce môme grandir et ressembler de plus en plus à son père. Je vivrai accompagnée de M. Croisenois qui pensera me combler mais je pense que plus tard, j'aurais toujours ce mauvais cavalier en tête.

J'ai pensé lui répondre aujourd'hui, et lui exprimé mon mécontentement, ma tristesse et mon amour, cependant, cela ne sert à rien car il ne me répondra plus. J'ai eu comme privilège ses dernières paroles pour me dire adieu. A présent, je dois faire un choix : Vais-je me focaliser sur la mort de mon amour et me morfondre jusqu'à la fin de mes jours ? ou est-ce que je préconise le bonheur de ce bambin et j'essaye de créer le mien ?

Dans les deux cas, je porterai une place plus ou moins importante pour Julien dans mon cœur car il m'a permis d'aimer.

Cependant, je peux essayer de créer une réelle histoire avec M. Croisenois et me concentrer sur l'éducation de l'enfant tout en ne dévoilant pas le secret de son père. Je vais de nouveau me familiariser avec ma classe pour vivre une vie correcte avec des liens sociaux même si je n'en ressens pas vraiment le besoin car je sais ce que je vaux et pourquoi je donnerai la vie à notre amour fécond. Dès à présent, je vais me recentrer sur ma vie, sur moi, sur mon enfant qui arrivera dans une vie déjà prête pour l'accueillir pleinement et je lui apprendrai ce que je sais, ce que je pense sur la société et la vie en général, et je lui transmettrai les valeurs que nous partageons, Julien et moi.

 

 

Source image : Henri Decaisne, Maria Malibran en Desdémone dans l’Otello de Rossini, 1831, musée Carnavalet, Paris

 

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