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Publié par Léa

Le-Papalagui-2011.jpg

Source couverture originale

 

 

 Le Papalagui a été publié en 1920. Erich Scheurmann, l’auteur, prétend avoir recueilli les discours que Touiavii, chef de tribu d’une île Samoa, aurait tenus au retour d’un voyage en Europe pour décrire aux siens les mœurs du « Papalagui », c’est-à dire l’homme blanc. Fidèle au principe du regard décalé qu'utilisait par exemple Montesquieu dans ses Lettres persanes au 18ème siècle, Eric Scheurmann mène à travers les paroles d'un "bon sauvage" la critique de la civilisation occidentale. Des extraits sont à lire ici.

 

Les lycéens d'i-voix vous proposent leur version modernisée de cette oeuvre : Le Papalagui 2011 ...

 

 

http://aulas.pierre.free.fr/img/chr_ext_2008_papalagui.gif

 

Source image

 

 

 

 

Mes chers frères, j'ai eu l'occasion d'aller voir ce qui se passait sur les nombreuses terres du Papalagui. Et je peux vous dire que ce que mon arrière grand-père a vu il y a quelques années n'est rien par rapport à ce que je vais vous conter maintenant. Mon étonnement est tel que je ne m'en remets pas. Le Papalagui est vraiment très différent de nous mes amis, oui très différent.


J'ai découvert que ces hommes là, qui ne cessent de chercher à créer de nouvelles choses et à trouver de quoi occuper le peu de temps qu'il leur reste malgré toutes leurs activités très spéciales, ont encore inventé de nouveaux système pour gagner plus de papier lourd ou de métal rond. Jour après jour, ils cherchent à avoir plus de ce qu'ils appellent de l'argent.


(...)


Je commencerai par vous parler de la nourriture du Papalagui, de comment il se la procure. Car pour ça non plus, il ne procède pas comme chez nous.


Contrairement à nous, il ne cultive pas la terre, n'élève pas d'animaux,ne pêche pas son poisson et ne se nourrit pas de ce qui provient de la nature. Il lui arrive d'aller au « marché », là où ceux dont le métier est de cultiver des légumes ou des fruits, vendent leurs récoltes. Mais c'est assez rare, il préfère acheter de la nourriture produite dans ce qu'il appelle des « usines ».


Ce sont de très grandes boites en métal, d'où sort beaucoup de fumée. Ces boites sont utilisées seulement pour faire de la nourriture ou autre pour le Papalagui. Personne n'y vit, personne n'y dort, mais beaucoup y travaillent. La nourriture qui en sort est comme on l'entend souvent en Europe «chimique», c'est à dire le contraire de naturelle. Chaque produit est fait en très grandes quantités, emballé, étiqueté et envoyé dans beaucoup d'endroits par d'autres boites, celles-ci avec des roues, pour pouvoir distribuer tout cela dans les « supermarchés » de Falani, Saminis, Peletania* ou d'autres pays.


Les supermarchés, c'est l'endroit où ils achètent leur nourriture. Ils s'y rendent au minimum une fois par semaine. Ce sont encore une fois, de très grosse boites et ce que le Papalagui veut, il peut le trouver ici. Il n'aime généralement pas y aller car il y a beaucoup de monde. Lorsqu'il se rend dans l'un d'eux, il dit qu'il va faire les « courses ». Il prend un « caddy » et se ballade dans le magasin à la recherche de ce qui lui faut. Puis va à la caisse pour payer chacun des articles qu'il a choisis.


A l'entrée de ces supermarchés, il y a souvent des personnes assises, le visage triste, qui demandent à ce qu'on leur donne un peu de métal rond pour pouvoir manger. « Comment pouvez-vous laisser un de vos frères dans le besoin ? Comment pouvez-vous prétendre être heureux alors qu'un des vôtres lutte pour survivre ? » C'est ce que j'aimerais demander au Papalagui car il est inimaginable pour un homme rouge qu'un seul de ses frères manque de nourriture, qu'un seul de ses frères n'ait pas d'endroit pour vivre ou qu'un seul de ses frères manque de quoi que ce soit. Dans ce cas là le Papalagui ne peut pas dire que les autres blancs sont ses frères. Dans son monde, on ne s'entraide pas, on ne peut pas compter les uns sur les autres. Il faut avoir un bon métier, c'est à dire un métier qui rapporte beaucoup d'argent pour pouvoir bien vivre et ne manquer de rien de ce qui est important pour un homme blanc.


Malgré sa vie très remplie, le Papalagui, trouve, quelquefois, un peu de temps pour se détendre. Alors, il lui arrive d'aller à ce qu'il appelle un « restaurant » avec sa aiga*, ou ses amis. C'est à dire qu'il n'achète pas sa nourriture au « supermarché », mais que d'autres personnes s'en occupent pour lui. Ce lieu est fait pour manger, et passer un bon moment. C'est un endroit où beaucoup de personnes se retrouvent, mais pas ensemble, sur la même table. Ils sont dans la même salle, mais mangent seulement par petits groupes. Cela doit sans doute te paraître inimaginable à toi, Indien, qu'ils puissent ne pas prendre leur repas tous ensemble. Mais c'est normal chez les Européens.


Dans ces « restaurants », il y a des personnes dont le métier est de préparer à manger aux clients, d'autres de les accueillir et de les servir. Tout est fait pour que le Papalagui se sente bien, qu'il passe un bon moment et surtout, pour qu'il n'ait rien à faire. Il n'y a pas un seul repas qui soit préparé pour l'ensemble de la salle, non. Sur chaque table, il y a une carte sur laquelle sont écrites plein de recettes. Ainsi, celui-ci peut choisir ce qu'il souhaite manger. Chaque personne peut décider de son propre repas. Les cuisiniers* doivent donc travailler beaucoup pour satisfaire tous les blancs qui se trouvent dans le restaurant.


A la fin de son repas, le Papalagui paie, car comme tout chez lui, cela se paie aussi. Mais le prix du repas n'est pas le même que lorsque l'on achète sa nourriture dans les grandes surfaces*, son prix est beaucoup plus élevé !

Évidemment, il y a des restaurants peu chers et d'autres qui le sont plus. Certains restaurants sont réservés aux Papalagui riches*. Dans ceux-ci, la nourriture est bien plus chère.

 

(...)


La manière de se nourrir est encore un autre moyen pour le Papalagui riche de créer des inégalités. Il peut aller au restaurant et souvent dans des restaurants dits gastronomiques (là où l'on sert moins à manger, mais où le repas est plus cher)… Le pauvre, ou en tout cas celui qui a moins d'argent, lui ne peut pas faire tout cela. Il achète seulement ce dont il a besoin au supermarché. La vie chez les Européens est injuste. Chaque chose, chaque activité, chaque objet est différent pour un pauvre que pour un riche. Ils ne se nourrissent pas de la même façon, ne vivent pas dans les mêmes endroits, n'occupent pas leur temps par les mêmes choses. Il y a donc toujours des différences chez eux.

 

J'ai voulu vous parler de la nourriture du Papalagui car il me semblait important de montrer qu'une chose que chaque homme est obligé de faire (se nourrir) peut amener à beaucoup d'inégalités chez les Européens. Évidemment, ce que je vous ai démontré ci-dessus pour la façon de se nourrir peut être reproduit avec n'importe quelle activité des blancs. Leur vie est construite comme cela. Autrefois, avant qu'il y ait les moyens de production aujourd'hui utilisés par le Papalagui ou avant qu' internet n'existe, les Européens produisaient leur nourriture de la même façon que nous. Ils nous ont décrit comme en retard, bêtes, sauvages, etc. Mais nous ne souhaitons pas échanger notre prétendue bêtise contre leurs inutiles lumières.

 

 

http://www.abstrait-concret.com/wp/wordpress/wp-content/uploads/2008/10/supermarche.jpgSource image

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