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Publié par Solenn

La petite dernière est un roman de Fatima Daas, paru en 2020, c’est un livre autobiographique, l’auteure parle de son histoire. C’est son tout premier roman, elle n’a que 24 ans lorsqu’elle le publie.

Ce livre est récent, il n’est pas écrit de façon chronologique, il est écrit sous forme de mini-chapitres. Chacun parle d’un thème de sa vie, d’un de ses combats mais surtout des choses dures dans son quotidien, qu’elle doit affronter sans cesse. Elle raconte des moments où sa religion, son orientation sexuelle, sa famille, lui ont causé des difficultés, des faiblesses ou des reproches. Mais aussi les moments où elle s’est affirmée, les choses qui l’ont rendue plus forte, courageuse et enfin les moments où elle a assumé pleinement qui elle est, sans se soucier de toutes ses injonctions qu’on lui impose.

Chaque mini-chapitre est introduit par la même phrase « Je m’appelle Fatima », c’est une anaphore. Elle est suivie d’une deuxième phrase affirmative qui nous dit quel thème de sa vie va être abordé. En effet, plusieurs thèmes sont abordés : il y a le fait qu’elle soit de religion musulmane, le fait qu’elle aime les femmes, le fait qu’elle soit vue comme un « garçon manqué », le fait qu’elle soit asthmatique… Chaque thème est fort, elle l’explique, le raconte sans jamais rentrer dans les détails, en laissant toujours une part de mystère, de pudeur.

 

Déclaration des droits de Fatima par Solenn

Préambule

 

   Homme, es-tu capable d'être juste ? C'est une femme qui t'en fait la question ; tu ne lui ôteras pas moins ce droit. Dis-moi ? Qui t'a donné le souverain empire d'opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ?

   Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l'univers ; reconnais tes droits.

   Les personnages féminins de romans, représentantes des mères, des filles, des sœurs, constituées en Assemblée internationale, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs.

  En conséquence, l’Assemblée internationale des personnages féminins de romans reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les Droits suivants de Fatima Daas, dans La Petite Dernière de Fatima Daas.

 

   Article premier. -La femme comme l’homme est libre de choisir son orientation sexuelle. Elle peut aimer quelqu’un, peu importe son sexe. Deux femmes peuvent s’aimer sans se soucier de l’avis d’autrui, comme deux hommes.


   Fatima est lesbienne mais sa religion et ses parents lui interdisent, cette situation provoque chez elle un profond mal-être. Elle se sent coupable d’être attirée par des femmes, elle pense même avoir un problème. Pour tenter de se rassurer elle va voir des imams, elles n’osent pas raconter son histoire donc elle raconte celle « de son amie lesbienne musulmane » (p186) qu’elle invente. L’imam lui donne un « remède » pour la « soigner » : 

 

« Jeûne le lundi et le jeudi.

Prier deux fois plus.

Écouter le Coran.

Ne plus fréquenter de femmes

Ne pas fréquenter d’hommes non plus »

 

Ces paroles-là lui font mal, car l’imam lui dit réellement que son orientation sexuelle est un problème du fait de sa religion. Cette partie me touche car elle ne raconte pas une fois l’histoire de son amie lesbienne, elle la raconte à plusieurs reprises pour se rassurer mais cela donne tout le contraire, car tout le monde lui dit que c’est mal. Cela provoque un profond mal-être chez elle.

 

    Article 2. – Chaque individu est libre d’avoir l’apparence qu’il souhaite, personne n’a le droit de dicter à une femme ou à un homme comment il doit s’habiller, se comporter ou même à quoi il doit ressembler.

 

   Fatima est un « garçon manqué », elle ne met pas de robes, pas de jupes, elle ne se maquille pas, elle n’aime pas ça. Mais cela lui vaut des réflexions désagréables de la part de son entourage, sa mère plus particulièrement, qui n’aime pas son apparence. Les gens aimeraient qu’elle soit plus « fille » mais ça ne lui ressemble pas, elle ne veut pas et c’est son droit. Je trouve cela absurde de dicter à quelqu’un comment s’habiller en fonction de son sexe.

 

   Article 3. – Personne n’a le droit d’exercer de la violence physique sur quiconque, d’autant plus de la part de parents sur leurs enfants, en particulier de pères sur leurs filles. Aucune raison ne peut justifier cette violence. Et chaque enfant peut demander de l’aide s’il est victime de coups.

 

   Fatima aborde en effet une fois ce sujet. C’est une femme très pudique sur son histoire due à son éducation, elle le dit, et cela se ressent dans son livre car elle ne rentre jamais dans les détails, notamment sur ce sujet qui est douloureux pour elle et même une honte. Elle ne l’a dit à personne, mais elle ose en parler par l’écrit dans son livre. Ce mini-chapitre m’a ému car elle raconte la dureté de ces moments, où son père frappe ses sœurs. Elle décrit des cris, des pleurs, des larmes. Et elle se sentait impuissante face à cela. Et elle n’avait aucun réconfort une fois le moment passé. Le lendemain, personne n’en a parlé, tout le monde faisait comme si il ne s’était rien passé alors que chacun a des blessures morales et profondes de ce qui s’est passé la veille.

 

   

   Article 4. – Chaque femme est libre de se marier ou non, de se marier avec qui elle le souhaite, de se marier quand quand elle le souhaite. Elle ne doit être forcée à rien. Il en est de même pour chaque individu, femme, homme ou autre.

 

   Fatima ne subit pas le mariage forcé mais elle subit une pression sur le mariage. Une lourde pression de la part de sa famille, de son père, de sa mère, de sa famille en Algérie… Mais elle ne souhaite pas se marier, et encore moins avec un homme. Au fil du livre, elle fait référence au mariage que tout le monde veut pour elle, mais nous sentons que ce point est non négociable. Sa famille, qu’elle va voir en Algérie, lui demande « Et pourquoi tu n’es toujours pas mariée ? » (p196), elle ne répond pas, elle esquive la question. Mais je pense que ce mariage est encore un poids qu’on lui rajoute, une pression supplémentaire. Fatima ne se mariera jamais, donc elle sait qu’elle va décevoir sa famille. 

 

   Article 5. – Toute fille autant que tout garçon doit être aimée de ses parents. Les parents ont le devoir de donner l’affection et l’attention, dont a besoin l’enfant pour être épanoui. L’enfant apprendra à aimer lui-même en retour à ce moment-là.

 

   Cet article peut paraître évident, trivial, mais il est fondamental. Fatima Daas est une jeune fille « turbulente », « dissipée », « mal polie », « irrespectueuse », « méchante », selon ses professeurs … Mais comment voulez-vous qu’un enfant soit sain et bon, s’il n’a jamais reçu d’amour ? C’est le cas de Fatima, elle raconte avoir insulté sa professeure de mathématiques et la phrase d’amorce de ce mini-chapitre est « Je regrette qu’on ne m’ait pas appris à aimer » (p164). C’est là où j’ai compris que sa façon de se comporter à l’école avec ses professeurs, ses camarades, mais aussi dans ses relations amoureuses : ce n’est que la résonance de son éducation sans douceur, ni amour. C’est pour cela que l’amour parental est primordial, et qu’il est difficile d’en vouloir à cette jeune fille perdue et même qui se dit être « une élève instable » et une adulte « hyper-inadaptée ». 

 

Déclaration des droits de Fatima par Solenn
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