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Publié par Jenovefa

Didascalies - Lorenzaccio, Acte 3, scène 2

Scène 2

Au palais Strozzi. Entrent PHILIPPE et PIERRE.

PIERRE

Très énervé, son envie de vengeance est encore plus présente, il va de long en large et gesticule beaucoup.

Quand je pense à cela, j'ai envie de me couper la main droite. Avoir manqué cette canaille ! Un coup si juste, et l'avoir manqué ! A qui n'était-ce pas rendre service que de faire dire aux gens : Il y a un Salviati de moins dans les rues ? Mais le drôle a fait comme les araignées — il s'est laissé tomber en repliant ses pattes crochues, et il a fait le mort de peur d'être achevé.

PHILIPPE

S'approche de Pierre, tente de le calmer, il parle doucement.

Que t'importe qu'il vive ? ta vengeance n'en est que plus complète. On le dit blessé de telle manière, qu'il s'en souviendra toute sa vie.

PIERRE

S'éloigne brusquement mais essaye de parler plus calmement.

Oui, je le sais bien, voilà comme vous voyez les choses. Tenez, mon père, vous êtes bon patriote, mais encore meilleur père de famille : ne vous mêlez pas de tout cela.

PHILIPPE

Très inquiet, se rapproche un peu après plusieurs hésitations.

Qu'as-tu encore en tête ? Ne saurais-tu vivre un quart d'heure sans penser à mal ?

PIERRE

Se met de nouveau à gesticuler, il crie toute sa haine puis se canalise et commence à partir.

Non, par l'enfer ! je ne saurais vivre un quart d'heure tranquille dans cet air empoisonné. Le ciel me pèse sur la tête comme une voûte de prison, et il me semble que je respire dans les rues des quolibets et des hoquets d'ivrognes. Adieu, j'ai à faire à présent.

PHILIPPE

Toujours inquiet, se met devant Pierre pour l'empêcher de partir et obliger son fils à lui donner une réponse.

Où vas-tu ?

PIERRE

Agacé, tente de contourner son père.

Pourquoi voulez-vous le savoir ? je vais chez les Pazzi.

PHILIPPE

Résigné mais d'une voix forte pour convaincre son fils.

Attends-moi donc, car j'y vais aussi.

PIERRE

Surpris, mais se ressaisi rapidement pour parler d'une voix pleine de conviction.

Pas à présent, mon père ; ce n'est pas un bon moment pour vous.

PHILIPPE

Soupire et ordonne d'un ton sans réplique.

Parle-moi franchement.

PIERRE

Obéis calmement cette fois mais d'un voix forte, pleine d'espoir.

Cela est entre nous. Nous sommes là une cinquantaine, les Ruccellaï et d'autres, qui ne portons pas le bâtard dans nos entrailles.

PHILIPPE

Peu convaincu, insiste.

Ainsi donc ?

PIERRE

Résigné à tout dévoilé à son père si cela peut le convaincre de rester en dehors de tout cela.

Ainsi donc les avalanches se font quelquefois au moyen d'un caillou gros comme le bout du doigt.

PHILIPPE

Implore, déçu, hurle son désespoir, gesticule et va de long en large à son tour.

Mais vous n'avez rien d'arrêté ? pas de plan ? pas de mesures prises ? O enfants, enfants ! jouer avec la vie et la mort ! Des questions qui ont remué le monde ! des idées qui ont blanchi des milliers de têtes, et qui les ont fait rouler comme des grains de sable sur les pieds du bourreau ! des projets que la Providence elle-même regarde en silence et avec terreur, et qu'elle laisse achever à l'homme, sans oser y toucher ! Vous parlez de tout cela en faisant des armes et en buvant un verre de vin d'Espagne, comme s'il s'agissait d'un cheval ou d'une mascarade ! Savez-vous ce que c'est qu'une république, que l'artisan au fond de son atelier, que le laboureur dans son champ, que le citoyen sur la place, que la vie entière d'un royaume ? le bonheur des hommes, Dieu de justice ! O enfants, enfants ! savez-vous compter sur vos doigts ?

Toutes les didascalies on été rajoutées sauf la première.

​Lorenzaccio

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