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COURRIER - Lettre de Rousseau à Voltaire.
2 Août 1759
Mon cher Voltaire, mon frère de lettre.
Il se trouve que j'ai pris le temps de lire et d'analyser avec attention votre nouveau conte philosophique et c'est d'une main tremblante que je griffonne une lettre à votre intention. En effet, je m'inquiète de votre santé. Votre écriture et vos idées reflètent-elles quelque mal qui vous ronge ? Aussi je ne peux m'empêcher de prendre le pouls de votre éloquence et d'en conclure avec la plus grande frustration que vous êtes gravement malade : il est vrai je crois qu'à travers cette oeuvre votre grandeur d'esprit parait quelque peu amenuisé. A moins bien sûr que je ne me trompe et que vous vous souciez de donner à vos écrits un caractère enfantin, en pure connaissance de cause. Seulement votre âge honnorable ne fait pas de ce genre nouveau une réussite. Cependant, je ne vous jette pas la pierre et je reste optimiste pour ce qui est du rattrapage de ce brouillon car en ce monde tout est beau, ne trouvez-vous pas ? Je suis persuadé que vous sortirez de cette mauvaise passe et que vous regagnerez vos talents d'antant qui, je vous le jure, n'a été oublié de personne.
Votre personnage principal est d'un extrémisme à toute épreuve, je souhaite que vous ne traduisiez pas votre pensée en ses paroles car l'optimisme certes à ses qualités mais l'incarnation de la simplicité dont il fait preuve fait peur à voir. Est-ce un message d'espoir que vous tentez de faire passer ? Malheureusement, la fatalité s'abattant sur votre pauvre Candide est tellement inégalée qu'elle pousserait le plus grand optimiste que la terre est portée dans un ravin de pessimisme et de mauvaises pensées. C'est un fait, votre thème et votre Candide sont bancaux à souhait et vous ne faites rien pour retoucher ce manque de génie par vos descriptions faibles et sommaires. Votre personnage voyage par monts et par vaux mais rien ne nous aiderait à le situer en un lieu précis si vous ne citiez pas quelques cités çà et là. En bref, l'intérêt unique de votre livre sera de montrer à la face du monde ce qu'est une oeuvre ratée et sans goût. Si peu éclairé soi votre talent en ce conte, vous n'en restez pas moins un phare pour tout homme de lettre avisé.
Acceptez mes humbles condoléances et amicalement.
ROUSSEAU
Il se trouve que j'ai pris le temps de lire et d'analyser avec attention votre nouveau conte philosophique et c'est d'une main tremblante que je griffonne une lettre à votre intention. En effet, je m'inquiète de votre santé. Votre écriture et vos idées reflètent-elles quelque mal qui vous ronge ? Aussi je ne peux m'empêcher de prendre le pouls de votre éloquence et d'en conclure avec la plus grande frustration que vous êtes gravement malade : il est vrai je crois qu'à travers cette oeuvre votre grandeur d'esprit parait quelque peu amenuisé. A moins bien sûr que je ne me trompe et que vous vous souciez de donner à vos écrits un caractère enfantin, en pure connaissance de cause. Seulement votre âge honnorable ne fait pas de ce genre nouveau une réussite. Cependant, je ne vous jette pas la pierre et je reste optimiste pour ce qui est du rattrapage de ce brouillon car en ce monde tout est beau, ne trouvez-vous pas ? Je suis persuadé que vous sortirez de cette mauvaise passe et que vous regagnerez vos talents d'antant qui, je vous le jure, n'a été oublié de personne.
Votre personnage principal est d'un extrémisme à toute épreuve, je souhaite que vous ne traduisiez pas votre pensée en ses paroles car l'optimisme certes à ses qualités mais l'incarnation de la simplicité dont il fait preuve fait peur à voir. Est-ce un message d'espoir que vous tentez de faire passer ? Malheureusement, la fatalité s'abattant sur votre pauvre Candide est tellement inégalée qu'elle pousserait le plus grand optimiste que la terre est portée dans un ravin de pessimisme et de mauvaises pensées. C'est un fait, votre thème et votre Candide sont bancaux à souhait et vous ne faites rien pour retoucher ce manque de génie par vos descriptions faibles et sommaires. Votre personnage voyage par monts et par vaux mais rien ne nous aiderait à le situer en un lieu précis si vous ne citiez pas quelques cités çà et là. En bref, l'intérêt unique de votre livre sera de montrer à la face du monde ce qu'est une oeuvre ratée et sans goût. Si peu éclairé soi votre talent en ce conte, vous n'en restez pas moins un phare pour tout homme de lettre avisé.
Acceptez mes humbles condoléances et amicalement.