Ceci est le testament d'Eugène de Rastignac
Voici, pour garder le souvenir de ses dernières volontés, le testament d'Eugène de Rastignac...
Ceci est mon testament.
Je donne ma petite boîte noire, fermée à double clef. Cette boite en bois ornée d'une multitude de petites pièces métalliques et constituée d'un superbe intérieur, doux, chaleureux, petit, chaud, sombre. D'un intérieur de velours bordeaux symbolisant l’action, l’amour, l’énergie, la passion, la détermination, la joie. Cette boîte contient mes sentiments. La vicomtesse de Beauséant m'a un jour dit que si jamais il m'arrivait d'aimer, je devrais garder cela secret. Je devrais cacher mes sentiments comme on cache un trésor. Je donne donc cette boîte débordant de mille sentiments à Madame Vauquer, pourrait-elle aimer autre chose que l'argent ?
Je donne mon mépris, ma rage à Monsieur Goriot qui en aurait eu tant besoin envers ses filles pour se rendre compte plus tôt que ses filles se jouaient de lui et de sa gentillesse.
Lorsqu'un jeune homme de son âge est atteint par le mépris, il s'emporte, il enrage, il menace du poing la société toute entière, il veut se venger et doute aussi de lui-même.
Je donne mon amitié. Je donne ce sentiment précis à Madame Anastasie de Restaud. J'aimerais qu'elle le transmette à Goriot pour qu'elle l'aime davantage, qu'elle consacre du temps et de l'argent à s'occuper de son pauvre père. Plutôt que de le ruiner en demandant toujours plus d'argent pour s'acheter des parures, des robes...
Je n'ai plus un sous, mon enfant. J'ai tout donné, tout. Je suis à la charité. La robe lamée était-elle belle au moins ?
Je donne mon amour pour Nucingen au marquis D'Ajuda-Pinto pour qu'il aime Madame de Beauséant, la seule femme qu'il aurait dû aimer. Qu'il chérisse la plus belle femme de tout Paris, et rompe avec la demoiselle de Rochefide.