Enluminures - Gargantua
Gargantua est un roman écrit par l'humaniste français François Rabelais au XVIème siècle. Le livre est publié en 1534 à Lyon, chez l'éditeur François Juste.
Ce chef-d’œuvre raconte l'histoire de Gargantua, fils des géants Grandgousier et Gargamelle. Né par l'oreille de sa mère, l'auteur y raconte la vie de l'enfant, en passant par ses aventures, son éducation, ses combats, sans oublier la dimension humaniste du récit.
Une enlumineuse a choisi trois extraits du roman rabelaisien, et les a illustrés en fonction de son interprétation, sa vision et son inspiration.
Aussi, mon fils bien-aimé, quand tu auras lu cette lettre, et le plus tôt possible, reviens en hâte pour secourir non pas tant moi-même (toutefois c'est ce que par piété tu dois faire naturellement) que les tiens que tu peux, pour le droit, sauver et protéger. [...] Très cher fils, que la paix du Christ, notre rédempteur, soit avec toi.
Salue pour moi Ponocrates, Gymnaste et Eudémon.
Ce vingt septembre,
Ton père, Grandgousier.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que les gens ramenés à la foi en l'Evangile sont persécutés ; mais bienheureux celui qui ne faillira pas et tendra toujours au but que Dieu nous a fixé par son cher Fils, sans en être distrait ni détourné par les tentations de la chair.
Le moine dit : "Dans votre esprit, que pensez-vous que cette énigme désigne et représente ?
- Quoi ! dit Gargantua, c'est le cours et la persistance de la vérité divine.
Interview de l'enlumineuse
Pourquoi avez-vous choisi précisément ces extraits du roman ?
Beaucoup de passages m'ont marquée lors de ma lecture de Gargantua. Ces trois extraits en font partie. Je les trouve touchants, drôles et symboliques. Il me tenait à cœur de les représenter au travers de mes créations. La première enluminure représente Grandgousier écrivant sa lettre à son fils Gargantua, pendant la guerre. Ce passage m'a beaucoup touchée, j'y ai donc imaginé les pensées, les émotions que pouvait ressentir le père en écrivant à son fils. La deuxième enluminure est une petite moquerie sur le look de Gargantua. J'ai trouvé assez absurde de la part de Rabelais de consacrer plusieurs chapitres sur les vêtements du géant. Enfin, la dernière enluminure est une sorte de célébration de la réussite de Gargantua. "C'est le cours et la persistance de la vérité divine" est selon moi la fulguration du roman. Il fallait célébrer cette phrase grâce à une enluminure. De plus, cette affirmation est, je trouve, le résultat d'une intense éducation humaniste.
A travers ces enluminures, qu'avez-vous voulu signifier sur le roman lui-même ?
En fait, quand je "dessine" un texte après l'avoir lu, je cherche avant tout à transmettre mes impressions sur ma lecture, mon ressenti et mes interprétations. Je veux représenter ma vision, les sentiments que j'ai éprouvés pour le texte en question. Ici, j'ai surtout voulu valoriser et représenter le roman aujourd'hui, en quelque sorte prolonger la vie de Gargantua, et de l'oeuvre de Rabelais. Grâce à mes enluminures, je peux ainsi faire vivre les personnages à ma manière.
En quoi le roman et votre travail éclairent selon vous les caractéristiques de la Renaissance et de l'humanisme ?
J'ai effectivement porté attention à la Renaissance et aux principes de l'humanisme dans mes enluminures. En effet, j'ai joué avec les détails pour la notion de la foi en l'homme et l'intérêt pour toutes les formes de la connaissance. Par exemple, j'ai joué sur la couleur marron, quelque peu sombre, que j'associe à l'époque de la Renaissance et à la religion. Aussi, j'ai utilisé le registre satirique, particulièrement dans la deuxième enluminure, où je me moque du style vestimentaire de Gargantua, et je critique Rabelais pour avoir donné tant d'importance à un passage du récit que je juge inutile. J'ai légèrement éloigné la religion dans ces enluminures, car j'ai voulu mettre en évidence les caractéristiques propres de l'humanisme.