Dialogue entre Lorenzo et Perugino
Lorenzo : - Tu dis vouloir me vendre une toile ? Dis m'en plus sur cette Marie-Madeleine, je te prie.
Perugino : - Oui, Marie-Madeleine est l'une de mes plus délicieuses réussites, elle se compose seulement de 47 sur 34cm, mais sa beauté n'a d'égal pour personne. Cette sainte, disciple de Jésus de Nazareth, avant moi, n'était peinte pratiquement que par l'image d'une prostituée : dénudée avec de longs cheveux dénoués. Seulement, après mon court voyage dans ma ville natale de Città della Pieve, j'ai pris conscience qu'il me fallait innover en peignant cette toile à l'identique d'une vierge dans une pose incarnant la respectabilité. Je l'ai peinte sur une huile sur toile il y a quelques années de cela, en 1500. Marie-Madeleine est unique en son genre. Ce ne serait qu'erreur de laisser ce chef d'œuvre dans d'autres mains que les tiennes.
L : - Eh bien, que voilà d'alléchantes paroles ! Mais si je ne m'abuse, à la vue de toutes les vertus de cette jeune pucelle, pourquoi t'en séparer ? Toi, qui l'aimes tant.
P : - Vois tu, je n'ai pour habitude de travailler que la religion, je ne peins presque que des tableaux religieux, multipliant madones élégantes et anges mélancoliques sans beaucoup de variété mais l'argent se fait rare. Les cours que je fais à Raphaël ne suffisent plus à me nourrir. J'ai besoin de me séparer de mes toiles, pourtant tant aimés. La madone est tout ce qu'il me reste, elle est la seule toile que je n'avais encore pu me résoudre à vendre. Le jeu de ses couleurs, la précision de ses traits et mon attachement à elle font que, comprends-tu, je ne peux donner un tel trésor à quiconque. J'ai pensé à toi, Lorenzo, peut-être pourrais-tu la donner à ton cousin Alexandre, ou en faire cadeau à ta tante, ton prix sera le mien.
L : - A mon cousin ? Ah! Tu me plais mignon! Il est vrai que je pourrais m'attirer ses faveurs avec un tel présent.
Lorenzo, prenant Marie Madeleine en ses bras :
Tu sembles si taciturne, toi, mignonne. Où est dont passée ta lumière ? Serait-elle enfuie ? Comme je te comprends. Tes couleurs sont harmonieuses ! et que tes traits sont d'une rareté, à s'en couper le souffle ! Tu sembles si ailleurs et si là à la fois. Si fascinante chose. Où es-tu perdue ? Serait-ce un ange ? Seul ton corps renvoie de la lumière. Le reste est si lugubre autour de toi. Où es-tu ? Que fais tu là ? Ah ! mignonne, tu n'es pas là, non, ce monde n'est pas toi. Ah, tu me plais. Toi, perdue parmi ces lions qui s'enchaînent et s'entretuent. Et parmi ces sots qui au lieu de la liberté choisir, courent crier au roi. Comme je te comprends. Tu n'es pas sainte, non. Tu es moi. Que dis-tu ? Voudrais-tu être là lors de l'acte fatal ? Voudrais-tu courir attraper le soleil et ses fruits sucrés ? Hum, mignonne, donc tu seras là.
Marie-Madeleine, peinture religieuse à l'huile sur bois du Pérugin, 1500 environ, conservée à la Galerie Palatine au Palazzo Pitti à Florence.
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