Interview imaginaire de Maram al-Masri
Un recueil
bouleversant
Peu de personnes sont aujourd'hui capables d'exprimer leurs sentiments, de façon implicite ou explicite. La majorité de ces personnes utilise l'écriture, mais dans un genre qui revient le plus, le récit. Maram al-Masri a décidé de jouer la carte de l'originalité, pour évoquer un sujet des plus sensible, en utilisant le poème pour exprimer ses sentiments de manière plus expressive et touchante. Nous avons donc décidé de creuser le mystère de cette poétesse, aussi talentueuse que touchante.
Bonjour Maram al-Masri et merci d'avoir accepté de répondre à nos questions.
- Maram al Masri : Bonjour, c'est un plaisir de m'ouvrir dans votre magazine.
Tout d'abord, pourquoi avoir décidé de traduire vos sentiments en poèmes ?
- Maram al Masri : Un poème lyrique exprime beaucoup. Pour moi, la poésie, c'est, par les mots, introduire un mouvement dans une image et lui donner un sens. Dans le cas d'un sujet comme celui que j'évoque dans Elle va nue la liberté, je n'avais d'autre choix que d'utiliser ce genre littéraire. Ce poème est ma façon à moi de rendre hommage aux victimes de ce massacre.
Et donc, pourquoi la guerre ? Ce sujet vous touche-t-il personnellement ?
- Maram al Masri : Ce sujet, la guerre en Syrie me touche bien évidemment. Qui ne pourrait pas être émue devant un tel sujet, devant une telle réalité. J'ai moi-même vécu en Syrie, et c'est une des raisons pour laquelle j'ai écrit. Cela ne retire en rien le fait que j'aurais tout de même pu écrire sur ce sujet. Écrire m'a paru comme un moyen de me rapprocher de ceux restés en Syrie, de ma famille, et de leur montrer que malgré ma situation géographique, qui est Paris, mon âme y est restée. C'est aussi un moyen pour moi d'avoir une part en moins de culpabilité, la culpabilité de ne pas y être aujourd'hui, auprès de mes proches, pour les soutenir dans ces moments difficiles que connaît mon pays.
Avez-vous toujours des nouvelles de vos proches ? Comment vivent-ils cette situation tout les jours ?
- Maram al Masri : Je suis très connectée sur les réseaux sociaux comme Facebook ou Youtube. Je les utilise pour pouvoir m'informer de l'évolution de ce phénomène belliqueux. C'est aussi le seul moyen pour moi, avec les médias arabes, de savoir ma famille saine et sauve et en sécurité malgré la dictature qui règne. Je ne suis pas là-bas. Et pourtant, je vis jours et nuits dans le stress et l'incertitude de ce que je peux découvrir sur ces réseaux, des images, des informations... Tout ce que je sais, c'est que personne ne peut vivre cette situation de façon sereine. On ne peut pas dire que le mot « liberté » et « libre » soit le mot le plus approprié pour décrire leur mode de vie.
Maintenant, tout simplement, pourquoi le titre Elle va nue la liberté ? Quelle importance portez-vous au mot liberté ?
- Maram al Masri : Dans ce poème, en exprimant mes sentiments, c'est comme me mettre à nu devant le monde entier, devant mes lecteurs. Il n'y a pas beaucoup d'écrivains qui oseraient évoquer ce sujet, car c'est un sujet qui peut avoir des répercussions et qu'il est dur d'exprimer. Elle va nue la liberté, c'est l'histoire d'un pays en souffrance, d'un peuple meurtri, et d'une écrivaine, qui écrit pour son pays, et qui serait prête à beaucoup plus que de se mettre à nu pour trouver cette liberté tant rêvée. La liberté. C'est le mot fort de mon poème. C'est comme rendre la Syrie libre avant qu'elle ne le soit, par l'intermédiaire de mon œuvre, comme un moyen de prédiction.
Un dernier mot peut être ?
- Maram al Masri : Je sais que mon poème ne changera rien. Mais ils ne faut pas oublier ceux qui se battent pour que ce pays ne soit plus décrit comme un pays de guerre et de peur, et qu'il devienne enfin un pays libre. Il est difficile de mentionner tous les noms des victimes de cette guerre dans mon poème, et pourtant, ce n'est pas l'envie qui me manque. Il ne faut oublier personne, ni les soldats, ni le peuple victime. Mais surtout, n'oubliez pas ces phrases : la mort, mais pas l'humiliation. Un nouveau peuple au XXIe siècle a décidé de renaître…
Merci, d'avoir pris le temps de répondre à nos questions. Nous vous souhaitons que votre livre ait un impact sur cette situation, même minime, et que beaucoup de gens vous entendront.
- Maram al Masri : Ce fut un plaisir.
Caroline H
Source : introduction du recueil Elle va nue la liberté