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Publié par Clara

Lettres persanes 2017 - Ils écrasent la beauté du monde

Koffi à Calipso

 

A Abidjan

 

Mon amour, je ne sais pas où je suis tombé !

Je trouve les Parisiens étranges. Ils marchent, ou devrais-je dire, ils se déplacent dans la rue comme des robots. J'ai l'impression qu'ils sont comme débranchés d'un cadre imaginaire, leurs têtes sont rivés vers une sorte de boîte lumineuse. De leurs visages je ne vois que l'éclat blanchâtre et lumineux qui vient épouser leurs traits. Tu te souviens du premier film qu'on avait regardé ensemble ? La qualité était mauvaise, c'est vrai, mais le film était intéressant. Et bien en France, c'est pareil que Matrix ! Bon, soit, j'exagère un peu, mais tu devrais le voir : ils sont tous accrochés à leurs téléphones.

Les passants ne prennent même pas le temps de regarder le paysage. Et parlons-en, Calipso, du paysage ! Les rues sont aussi sales qu'au bidonville à côté de chez nous, l'air à Paris est pollué, parfois on ne peut plus distinguer l'autre tant le brouillard est épais ! Je ne sais pas ce que les Parisiens font de leur planète, mais en tout cas ils ne la respectent pas ! Je me souviens bien de l'air de la Côte d'Ivoire, de ses senteurs merveilleuses, de la douceur des noix de coco, du piquant de l'ananas, de l'onctuosité de la banane et de l'odeur si particulière de celui que j'aime le plus au monde, toi mon cher Calipso. (...)

Les français sont égocentriques. Ils se prennent en photo eux-mêmes, tout seuls devant des monuments ou n(importe où, mais Calipso, on ne voit qu'eux sur ces photos, ils écrasent la beauté du monde !

J'aimerais les remuer, leur faire ouvrir les yeux, relever leurs regards de cette boite qui aspire les hommes. (...)

J'ai hâte de retrouver la chaleur de ton corps robuste, mon Calipso. Ici je ne suis pas le bienvenu, je sens les regards hostiles pointés sur moi, je sens qu'ils veulent que je retourne dans notre pays, je sens qu'ils ont peur que je leur vole leur travail. Mais pourquoi un tel déchaînement contre nous, les étrangers ? Je ne fais rien de mal. Est-ce comme cela que nous accueillons les étrangers français dans notre pays ?

Encore une semaine en France et je suis dans tes bras. Je t'embrasse tendrement. Et joyeux anniversaire à nous deux !

 

A Paris, 2 ans après notre rencontre, 2017

 

 

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