Cas de conscience de Mme de Rênal par Vivien

Chapitre 7: Les affinités électives, L. 74,

insertion monologue, suite L.75 , page 51

édition Classiques & CIE lycée, Hatier

Madame de Rênal remarqua qu’il parlait plus souvent que de coutume à mademoiselle Élisa ; elle apprit que ces entretiens étaient causés par la pénurie de la très petite garde-robe de Julien. Il avait si peu de linge, qu’il était obligé de le faire laver fort souvent hors de la maison, et c’est pour ces petits soins qu’Élisa lui était utile. Cette extrême pauvreté, qu’elle ne soupçonnait pas, toucha madame de Rênal ; elle eut envie de lui faire des cadeaux, mais elle n’osa pas ; cette résistance intérieure fut le premier sentiment pénible que lui causa Julien. Jusque-là le nom de Julien, et le sentiment d’une joie pure et toute intellectuelle, étaient synonymes pour elle. Tourmentée par l’idée de la pauvreté de Julien, madame de Rênal parla à son mari de lui faire un cadeau de linge.

— Quelle duperie ! répondit-il. Quoi ! faire des cadeaux à un homme dont nous sommes parfaitement contents, et qui nous sert bien ? ce serait dans le cas où il se négligerait qu’il faudrait stimuler son zèle.

Madame de Rênal fut humiliée de cette manière de voir ; elle ne l’eût pas remarquée avant l’arrivée de Julien. Elle ne voyait jamais l’extrême propreté de la mise d’ailleurs fort simple du jeune abbé, sans se dire : Ce pauvre garçon, comment peut-il faire ?

Peu à peu, elle eut pitié de tout ce qui manquait à Julien, au lieu d’en être choquée.

Dois-je avoir pitié de ce jeune-homme ? Pourquoi ai-je pitié de lui ? je ne le connaissais même pas il y a une semaine et ni moi, ni ma famille, ni personne de Verrières n'avait de considération pour lui.

Ne devrais-je pas faire confiance à mon mari dans la situation dans laquelle je me trouve, pourquoi n'aurait-il pas raison à ce sujet alors qu'il est le maire d'une commune ?

Pourquoi dois-je me soucier de la pauvreté d'un simple précepteur de bas rang? Pourquoi ai-je tant de pitié pour ce jeune abbé ? Il n'est précepteur que parce qu'il sait le latin et la bible, a t-il d'autres connaissances de la vie ? Et pourtant pas une seule fois il n'a levé la main sur mes enfants. Il ne s'est jamais vu supérieur aux autres domestiques. Il s'occupe lui-même de son linge car il n'en a pas assez mais il ne s'en est jamais plaint. Qu'a-t-il fait de mauvais ? Pourquoi ne devrais-je pas alors désobéir à mon mari et m'assurer qu'il ne manque de rien ?

Demain matin j'irai lui acheter une simple robe ou alors une soutane. Mais pourquoi est-ce que je souhaite faire cela ? J'ai peur pour lui, si innocent dans un monde si cruel. Il a donc besoin de mon aide. Il faut que je sois à la hauteur !

Mais au fond qui est-il pour moi ? Un ami ? Un ennemi ? Un amant ? Il ne peut pas être aimé de moi car il n'est que le fils du charpentier et moi une femme mariée et bien-née En plus, cela fait à peine 1 semaine que je le connais et qu'on m'a annoncé sa venue dans ma demeure. Je suis une femme influente, je suis tout de même la femme du maire de Verrières ! Ce n'est pas rien ! Tandis que lui est un fils de charpentier, pauvre qui vient d'un autre milieu que le mien. Mais pourtant je me sens torturé de l'intérieur sur le trouble avis que j'ai sur lui !

J'ai peut-être simplement peur de m'attacher à lui, lui faire confiance. Et qu'il ne disparaisse sans donner de nouvelles, ou bien alors qu'il crée une barrière entre moi et mes enfants, la seule chose que j'ai jamais aimée ! Je me sens MOINS angoissée car dès maintenant malgré quelques interrogations je ne vois pas en lui un ennemi et je serai en mesure de rejeter ses avances s'il s'y compromet.

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Présentation - Ecritures d'appropriation Stendhal - i-voix

Julien Sorel : esthétiques et valeurs ? Œuvre intégrale : STENDHAL, Le Rouge et le Noir (1830) Parcours associé : Le personnage de roman : esthétiques et valeurs Tentatives de problématisatio...

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