Scène finale - Cyrano de Bergerac
Le spectacle se termine sur une scène que j'ai trouvé bouleversante. Le texte a été récité dans son intégralité, chaque réplique a été dite, la fin s'approche lentement. Cependant, avant que le rideau ne vienne caresser les planches, le jukebox s'enclenche une dernière fois et nous délivre le morceau d'Alain Bashung, "Comme un lego". Cette chanson, écrite par Gérard Manset, est interpretable de mille façons.
Ici, alors que le metteur en scène Dominique Pitoiset a choisi de faire jouer la pièce dans un décor d'hopital psychiatrique, elle prend un sens que l'on ne lui avait peut-être jamais donné. Peut-être que cette chanson parle des internés et des malades mentaux que notre société cache dans de grands batiments. "Voyez-vous ces êtres vivants ?", "Voyez-vous tous ces humains ?" nous demande Alain Bashung, comme s'il en tenait un par le col et nous le montrait pour nous amener à comprendre notre bétise. La phrase "car chacun vaque à son destin, petits ou grands" rappelle la constante mobilité des acteurs sur scène qui ne se déplacent que très rarement ensemble dans la même direction et l'image qu'on se fait d'un fou, celle de quelqu'un qui marche sans but. "La faiblesse des tout-puissants" est peut-être la faiblesse de ceux qui sont "normaux" (mais où est la norme ?) et qui ne peuvent que se contenter d'enfermer ceux qui sont "fous" dans des hopitaux. Ces hopitaux justement, ceux qui paraissent vides, où tout est d'un blanc immaculé mis à part les instruments en argent, semblent également être évoqués : "c'est un grand terrain de nulle part avec de belles poignées d'argents". Les internés sont souvent observés et suivis par la science, ce qui est aussi dit dans la chanson : "la lunette d'un microscope, on regarde, on regarde, on regarde dedans". Même les chemises blanches des malades sont mentionnées "on voit de toutes petites choses qui luisent, ce sont des gens dans des chemises".
En bref, et bien que chacun des passages musicaux de la pièce aient été judicieusement choisis, celui-ci me semble donner tout son sens à la mise en scène et à la pièce. Ce n'est pas seulement le texte d'Edmond Rosand qui est joué, non, je crois qu'il y a quelque chose d'autre que Dominique Pitoiset a cherché à nous transmettre.