Je me souviens de Nawal
Souvenirs passés avec Nawal
"Je me souviens, on était ensemble, sous le soleil du pays, seules, on marchait au milieu de cette étendue de sable. Comme tu me l'avais promis, tu m'as appris à lire et écrire, cela commença par la récitation de notre alphabet. Habituellement si silencieux, le désert ne l'était plus en notre présence. On y entendait le son des lettres qui sortaient de nos bouches un à un : Aleph, Bé, Tâ, Szâ… Ce fut le début de notre amitié."
Paroles de Sawda.
"Tu as toujours été froide avec moi et ma sœur, quand j'appris pour ton décès cela ne me fit ni chaud ni froid. Je ne te considérais pas comme ma mère, je te détestais. Une des seules choses que tu nous avais laissées à ta mort était un "jeu de piste", je refusais d'y participer. Heureusement ma sœur décida d'écouter tes dernières volontés, grâce auxquelles on découvrit ton passé. J'aurais tant aimé le connaitre plus tôt, repose en paix loin de ces douleurs."
Paroles de Samuel.
"Il est vrai que tu étais quelqu'un de très fermée, te comprendre était quelque chose d'assez compliqué. En revanche, tu as toujours été à l'écoute d'autrui, moi la première, tu m'as toujours écoutée très attentivement et soutenue dans ma vision du monde. C'est pourquoi, quand j'ai appris tes dernières volontés, je me suis dit que c'était l'occasion d'inverser les rôles, que c'était à mon tour de t'écouter. C'était sûrement la seule chance pour moi de mieux te connaitre, de nous connaitre."
Paroles de Jeanne.
"On se souvient, de ce jour où, tu as fait le choix de ne plus partager le son de ta voix. Dans l'incompréhension, notre amour pour toi devenait jour après jour aussi silencieux que toi. Ce n'est que bien plus tard que, nous t'avons compris mais, c'était déjà trop tard. Ton silence était devenu infini."
Paroles de Samuel et Jeanne.
"Te rappelles-tu ? De cette après-midi à mes côtés où, pour la première fois tu t'es un petit peu ouverte à moi, toi qui d'habitude était si fermée à ton sujet. Ce jour là, tu avais décidé de me partager ta phobie des autobus. Aux premiers abords je trouvais cela ironique, toi qui dans mes pensées avais toujours eu l'image de cette femme forte et distante n'ayant crainte de rien. par curiosité je t'ai demandé pourquoi, c'est alors que tu m'expliquais que plus jeune dans ton pays, tu avais assisté à un massacre de civils dans un autobus. Ce fut un des seuls détails que je connu de toi, mais un détail que nombreux de ton entourage ne connaissaient pas."
"Mais aussi, te rappelles-tu ? de cette autre après midi où, tu es arrivée dans mon bureau avec à la main un stylo plume noir, un carnet rouge, une veste verte avec dessus le nombre 72 et, deux enveloppes où il était inscrit sur l'une Samuel et sur l'autre Jeanne. Tu venais pour me faire part de ton testament, un frisson me parcourut à l'idée que tu meures. Ce n'est que cinq ans plus tard que tu nous quittas. Tu avais tout planifié et tout s'est déroulé comme tu l'avais pensé, tu étais quelqu'un d'incroyable."
Paroles de Hermile Lebel.
"Je me rappelle, cette nuit incroyable dans la prison. Cellule n°7, la "femme qui chante", ne chantait pas, mais hurlait, elle accouchait. Quand cela fut terminé, j'entrais dans la cellule et vit qu'elle avait déposé l'enfant dans un sceau. A l'époque j'étais chargé de jeter les enfants qui naissaient à la prison dans la rivière qui passait à côté. J'étais sur le point de la faire pour son enfant quand elle recommença comme à son habitude, elle chantait. Sa voix venait de sauver son enfant, en l'écoutant je n'eus pas le courage de le tuer. Bien plus tard j'appris qu'il n'y avait pas un mais deux enfants dans le seau, des jumeaux, Simon et Jeanne."
Paroles de Fahim.
"Ces années auprès de vous, dans le silence, sont des souvenirs inoubliables. J'étais votre infirmier, je venais à votre domicile pour m'occuper de vous. Des fois je me permettais de mettre un fond de musique pour détruire ce silence qui m'étourdissait et, je vous faisais danser. Mais le plus marquant, vos derniers mots qui s'adressaient à Jeanne et Simon : Maintenant que nous sommes ensemble, ça va mieux. Vous qui n'aviez parlé pendant plusieurs années, vos premiers et derniers mots après ce long temps de silence étaient les meilleurs qu'on pouvait dédier à ses enfants."
Paroles d'Antoine.
"Ma fille, je n'oublierai jamais tu as toujours été quelqu'un rempli de volontés, qu'elles me plaisent ou non. Mais malheureusement c'est à cause d'elles que nous avons été en désaccord. Tout comme moi et ma mère, la colère s'est mise entre nous, tout ce que je ne souhaitais pas. Je t'ai laissé partir, je regrette.
Paroles de Jihane*.
*Notes de Jihane, retrouvées dans sa maison après sa mort. Elles étaient destinées à sa fille, Nawal.