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Publié par Suzon

 

  Lorsque j’ai voulu retracer auprès de ma mère le merveilleux moment que j’ai passé au théâtre, et la façon dont j’avais vécu cette pièce remarquable, qu’est Timon/Titus du Collectif OS’O, l’une des choses que j’ai mises en avant parce qu’elle me semblait importante et marquante (en dehors des sujets évoqués) est la mise en scène. En effet, celle-ci est tangible dès le moment où on pénètre dans la salle : devant nous, sur la scène, au sol se trouvent trois corps, comme morts, et nous pouvons apercevoir là du sang sur un crâne, ici du sang imbibant un tapis. Nous pouvons également voir un homme,  couvert  de sang, avachi au pied d’un fauteuil ; une femme assise sur une chaise, les pieds dans une boîte qui émet de la lumière ; un autre homme, comme crucifié à une tringle à linge,  du sang ayant coulé d’un point au niveau de son ventre  et, sur le côté, une tête qui tourne sur un tourne-disque. Au milieu d’eux, un homme est assis dans un fauteuil rouge, un autre plus loin, sur le côté cours,  est derrière un bureau  avec un ordinateur et un tas d’autres choses indistinctes. Les comédiens n’attendent plus que nous : les spectateurs.


 C’est donc une toute autre dynamique qui s’opère : ce n’est pas le spectateur qui attend les comédiens mais les comédiens qui attendent l’arrivée de tous les spectateurs. Eux-mêmes, en attendant que tout l’auditoire soit là, ont le temps de s’interroger et de spéculer. Moi-même j’ai supposé que la scène qui se présentait à nous n’était autre que la scène finale de leur pièce et qu’ainsi tout l’enjeu des 2h15 de spectacle serait de nous montrer le cheminement d’actions nous menant à cette scène : des morts et un seul survivant. Nous avons alors quelques instants pour nous imprégner de l’atmosphère induite par ce qui se présente à nous. La chose incroyable et remarquable de cette mise en scène, plutôt macabre, est qu’elle fait de nous des spectateurs  déjà investis, nous posant nombre de questions. Nous sommes alors dans l’attente, impatiente, que la pièce commence. 

 

Mise en scène  - Timon/TitusMise en scène  - Timon/Titus

 

 Parlons donc un peu de la mise en place du décor. Celui-ci a une très grande importance puisque la tâche qui lui incombe est de délimiter clairement deux actions, deux temps de la pièce. Voici donc ce qui se présente au spectateur  durant toute la durée du spectacle : un patchwork de tapis, tous du même style, formant un rectangle au centre de la scène, au-dessus duquel est suspendu une grande tête de cerf.  Il y a aussi un fauteuil rouge, qui pourra être déplacé au gré de l’action, et un gramophone. Autour (côté jardin et vers le fond de scène), se trouvent sept bureaux pourvus chacun d’une lampe de travail et d’autres objets propres à chaque personnage-comédien.

 

Mise en scène  - Timon/TitusMise en scène  - Timon/Titus

 

 Comme je l’ai dit plus tôt, ces deux espaces ont une grande importance car ils délimitent deux moments de la pièce. Un moment, où derrière leur bureau les comédiens vont débattre de la question de la dette, inspirés par le texte de David Graeber sur ce sujet, mais, sous leur vrai nom : Tom, Mathieu, Marion, Roxane, Bess, Julie. Puis, un second temps, où dans l’espace créé par les tapis, une famille va se réunir  pour ouvrir le testament de leur défunt père (suite à quoi beaucoup de secrets de famille vont peu à peu se dévoiler).  Et c’est là  l’une des grandes originalités de la pièce : lorsque les comédiens sont sur le sol  tapissé, ils jouent un rôle et, lorsque ils en sortent (par une porte toute imaginaire), ils sont eux-mêmes et vaquent à leur occupations. C’est un choix bien particulier de David Czesienski, le metteur en scène, : tous les protagonistes sont à chaque instant sur le plateau, bien qu’ils ne prennent pas part à l’action. Ils vont alors se remaquiller, boire (assis à  leur bureau respectif) ou se changer (en récupérant leurs vêtements sur la tringle à linge qui a retrouvé sa fonction première). Même le régisseur lumières et sons reste derrière son bureau sur le côté de la scène, bien que dans l’ombre. C’est comme si nous étions témoins de deux actions : la pièce et les coulisses de la pièce.  Quelqu’un se fait égorger : le sang sera lancé par une comédienne, « ni vu ni connu »,  enfin presque ! C’est une toute autre dimension du théâtre auquel nous assistons. Comme lors des débats où se sont les comédiens qui s’ éclairent quand ils prennent la parole, contrairement aux moments où ils sont au centre de la scène (sur les tapis) et qu’ils sont alors éclairés par des projecteurs, évidement allumés par une tierce personne. Comme lors des transitions amenées par une petite musique, enclenchée par les comédiens eux-mêmes via le gramophone, qui annonce la fin d’une scène et une courte ellipse jusqu’à la scène suivante où certains comédiens auront quitté le lieu de l’action principale. 

 

Mise en scène  - Timon/TitusMise en scène  - Timon/Titus

 

  Assurément Timon/Titus est une pièce de théâtre très originale. Les comédiens sont amenés tour à tour à s’adresser à nous, public, afin de nous apporter quelques explications concernant la pièce, puis à débattre entre eux de différentes visions  de la notion de dette, et enfin, à mettre en place une scène familiale  de frères et sœurs se battant, parfois jusqu’à la mort, pour un héritage. Tout cela s’imbriquant et s’alternant  avec brio.

 

Mise en scène  - Timon/TitusMise en scène  - Timon/Titus

Crédit photos : Pierre Planchenault

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