Ecriture d'invention - Zoos humains 18
A la fin du 19ème siècle, le directeur du Jardin d'acclimatation imagine de recruter des indigènes pour les présenter au public. Pendant trente-cinq ans, les Français se passionnent pour ces "exhibitions ethnologiques", lançant de la nourriture et de la verroterie aux "sauvages" parqués derrière les grilles. Le phénomène des "Zoos humains" se développe dans toute l'Europe durant des décennies, attirant des millions de personnes. Ces spectacles sont à à la fois un outil de propagande colonialiste, un objet scientifique au service de thèses racialistes, une source de divertissement voyeuriste. Ainsi se construit le regard des occidentaux sur l'Autre...
Les lycéens d'i-voix donnent ici la parole à cet Autre.
Février 1892 : un "Caraïbe" exhibé au Jardin d'acclimatation sort de son silence.
Voici quelques extraits de ce discours ...
« Hé ! m'entendez-vous? Je sais que vous êtes là, vous l'avez toujours été ! s'écria Patcharis. Vous pensiez qu'un sauvage comme moi ne pourrais parler votre langage, vous pensiez que j'aurais pu rester des années dans une cage sans rien dire, vous pensiez que j'aurais pu garder le silence en étant loin des miens ? Je me présente : Patcharis. Je suis ce que vous appelez dans votre langue un « caraïbe ». Je suis dans votre pays et dans cet endroit que vous appeler « zoo » depuis que l'un de vos missionnaire nommé Père François m'a arraché à ma famille il y a de ça 10 ans. Vous ne pouvez vous imaginer dans vos petits esprits étriqués comment on peut vivre dans une cage d'un mètre sur trois durant une décennie. Vous préféreriez subir mille tourments, succomber à la mort des centaines de fois que de vivre comme un de vos animaux dans une cage de fer.
(...)
Un jour, il faisait très froid, il y avait ce que vous nommez de la neige, le zoo en était rempli, il y avait un petit garçon qui courait pour rejoindre sa mère qui l'appelait. De sa poche tomba un petit objet rond, brillant et un morceau de papier rectangulaire. Au même moment, plus loin, un viel homme marchait seul, il semblait que sa famille l'avait abandonné à son sort. Ce viel homme était très loin du petit garçon mais même à cette distance il vit ce qui était tombé. Je le vis attendre sournoisement que l'enfant soit loin, il était tapi tel un jaguar qui fond sur sa proie sans défense, il courut par la suite de peur que quelqu'un ne prenne l'argent. Et je pense avoir vu pour la première fois la cupidité. Chez nous, si un enfant avait fait tomber quelque chose, notre ancien aurait accouru pour le lui rendre, il lui aurait même, je suis sûr, offert un petit jouet fait de bois sculpté.
(...) "