Ecriture d'invention - Zoos humains 12
A la fin du 19ème siècle, le directeur du Jardin d'acclimatation imagine de recruter des indigènes pour les présenter au public. Pendant trente-cinq ans, les Français se passionnent pour ces "exhibitions ethnologiques", lançant de la nourriture et de la verroterie aux "sauvages" parqués derrière les grilles. Le phénomène des "Zoos humains" se développe dans toute l'Europe durant des décennies, attirant des millions de personnes. Ces spectacles sont à à la fois un outil de propagande colonialiste, un objet scientifique au service de thèses racialistes, une source de divertissement voyeuriste. Ainsi se construit le regard des occidentaux sur l'Autre...
Les lycéens d'i-voix donnent ici la parole à cet Autre.
Février 1892 : un "Caraïbe" exhibé au Jardin d'acclimatation sort de son silence.
Voici quelques extraits de ce discours ...
" (...)
Tu es l'homme blanc et nous sommes noirs, et alors ?
Devons-nous être considérés comme des sous-hommes simplement parce que d'après votre religion nous serions descendants de Cham ?
Eh oui, je connais votre religion : me pensez-vous toujours aussi ignorant ?
Tu nous penses idiot, ignare, incapable ! Nous te pensons cupide, égoïste, raciste !
Nous vivons en harmonie avec la nature, avec notre peuple et avec notre corps et toi tu oses venir nous dérober ce que nous avons de plus cher : notre liberté !
Et regarde, là, mes enfants, regarde, là, tous nos enfants, qui font les bouffons pour quelque métal rond que tu leur lances...
(...)
Et tu sais, toi, homme d'argent qui gère ce zoo humain, nous avions au départ la plus grande estime pour toi, mais tu as tout gâché ; nous t'avons offert les plus belles de nos filles, et tu en as profité ; nous t'avons offert les plus juteux de nos fruits, et tu les as dégustés ; nous t'avons offert la plus douce des semaines, et tu t'es reposé.
(...)
Cessons d'être de gentils et doux sauvages ! Nous ne méritons pas toute cette souffrance ! Je n'accepterai plus de m'exhiber, j'attendrai que quelqu'un vienne m'abattre, me tuer ! "