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Publié par Léa et Youna

 

Une scène de Marivaux enrichie d’émoticônes, de tweets et de SMS envoyés par les personnages via leurs smartphones...

 

Scène enrichie - Acte II, scène 7
Scène VII
SILVIA, LISETTE.

 

 
Silvia.

Je vous trouve admirable de ne pas le renvoyer tout d’un coup et de me faire essuyer les brutalités de cet animal-là.

 
Lisette.

Pardi ! madame, je ne puis pas jouer deux rôles à la fois ; il faut que je paraisse ou la maîtresse ou la suivante, que j’obéisse ou que j’ordonne.

 
Silvia.

Fort bien ; mais puisqu’il n’y est plus, écoutez-moi comme votre maîtresse. Vous voyez bien que cet homme-là ne me convient point.

 
Lisette.

Vous n’avez pas eu le temps de l’examiner beaucoup.

 
Silvia.

Êtes-vous folle avec votre examen ? Est-il nécessaire de le voir deux fois pour juger du peu de convenance ? En un mot je n’en veux point. Apparemment mon père n’approuve pas la répugnance qu’il me voit ; car il me fuit et ne me dit mot. Dans cette conjoncture, c’est à vous à me tirer tout doucement d’affaire, en témoignant adroitement à ce jeune homme que vous n’êtes pas dans le goût de l’épouser.

 
Lisette.

Je ne saurais, madame.

 
Silvia.

Vous ne sauriez ? Et qu’est-ce qui vous en empêche ?

 
Lisette.

Monsieur Orgon me l’a défendu.

 
Silvia.

Il vous l’a défendu ! Mais je ne reconnais point mon père à ce procédé-là !

 
Lisette.

Positivement défendu.

 
Silvia.

Eh bien, je vous charge de lui dire mes dégoûts et de l’assurer qu’ils sont invincibles ; je ne saurais me persuader qu’après cela il veuille pousser les choses plus loin.

 
Lisette.

Mais, madame, le futur, qu’a-t-il donc de si désagréable, de si rebutant ?

 
Silvia.

Il me déplaît, vous dis-je, et votre peu de zèle aussi.

 
Lisette.

Donnez-vous le temps de voir ce qu’il est ; voilà tout ce qu’on vous demande.

 
Silvia.

Je le hais assez, sans prendre du temps pour le haïr davantage.

 
Lisette.

Son valet, qui fait l’important, ne vous aurait-il point gâté l’esprit sur son compte ?

 
Silvia.

Hum ! la sotte ! son valet a bien affaire ici !

 
Lisette.

C’est que je me méfie de lui, car il est raisonneur.

 
Silvia.

Finissez vos portraits ; on n’en a que faire. J’ai soin que ce valet me parle peu, et dans le peu qu’il m’a dit, il ne m’a jamais rien dit que de très sage.

 
Lisette.

Je crois qu’il est homme à vous avoir conté des histoires maladroites pour faire briller son bel esprit.

 
Silvia.

Mon déguisement ne m’expose-t-il pas à m’entendre dire de jolies choses ? À qui en avez-vous ? D’où vous vient la manie d’imputer à ce garçon une répugnance à laquelle il n’a point de part ? Car enfin, vous m’obligez à le justifier ; il n’est pas question de le brouiller avec son maître ni d’en faire un fourbe, pour me faire une imbécile, moi, qui écoute ses histoires.

 
Lisette.

Oh ! madame, dès que vous le défendez sur ce ton-là, et que cela va jusqu’à vous fâcher, je n’ai plus rien à dire.

 
Silvia.

Dès que je vous le défends sur ce ton-là ! Qu’est-ce que c’est que le ton dont vous dites cela vous-même ? Qu’entendez-vous par ce discours ? Que se passe-t-il dans votre esprit ?

 
Lisette.

Je dis, madame, que je ne vous ai jamais vue comme vous êtes et que je ne conçois rien à votre aigreur. Eh bien, si ce valet n’a rien dit, à la bonne heure ; il ne faut pas vous emporter pour le justifier ; je vous crois, voilà qui est fini ; je ne m’oppose pas à la bonne opinion que vous en avez, moi.

 
Silvia.

Voyez-vous le mauvais esprit ! comme elle tourne les choses ! Je me sens dans une indignation… qui… va jusqu’aux larmes.

 
Lisette.

En quoi donc, madame ? Quelle finesse entendez-vous à ce que je dis ?

 
Silvia.

Moi, j’y entends finesse ! moi, je vous querelle pour lui ! j’ai bonne opinion de lui ! Vous me manquez de respect jusque-là ! Bonne opinion, juste ciel ! bonne opinion ! Que faut-il que je réponde à cela ? Qu’est-ce que cela veut dire ? À qui parlez-vous ? Qui est-ce qui est à l’abri de ce qui m’arrive ? Où en sommes-nous ?

 
Lisette.

Je n’en sais rien ; mais je ne reviendrai de longtemps de la surprise où vous me jetez.

 
Silvia.

Elle a des façons de parler qui me mettent hors de moi. Retirez-vous, vous m’êtes insupportable ; laissez-moi ; je prendrai d’autres mesures.

 

 

Conversation Acte II, scène 7, Silvia et Lisette

Conversation Acte II, scène 7, Silvia et Lisette

Tweet de Silvia, visant Lisette

Tweet de Silvia, visant Lisette

Tweet de Lisette, visant Silvia

Tweet de Lisette, visant Silvia

Ressenti de Silvia après sa discussion avec Lisette

Ressenti de Silvia après sa discussion avec Lisette

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