Yvain ou le Chevalier au lion (LE PAYSAN)
Suite à la lecture de l'extrait ci-dessous, nous avons cherché le Paysan sur Facebook et nous l'avons trouvé!!!!
Voici la photo d'écran de son profil : (cliquez sur l'image pour voir la page!)
"Un paysan qui ressemblait à un Maure (11), démesurément laid et hideux - nul ne pourrait décrire une telle laideur ! - était assis sur une souche, une grande massue dans la main. Je m’approchai du vilain, et vis qu’il avait la tête plus grosse qu’un roncin (12) ou tout autre bête, les cheveux ébouriffés, le front pelé et large de deux empans (12), les oreilles velues et aussi grandes que celles d’un éléphant, les sourcils énormes, la face plate, des yeux de chouette, un nez de chat, la bouche fendue comme celle d’un loup, des dents de sanglier aiguës et jaunes, la barbe rousse, le menton soudé à la poitrine, et l’échine longue, torse et bossue. Appuyé sur sa massue, il était vêtu étrangement. À son cou étaient attachées deux peaux fraîchement écorchées de deux taureaux ou de deux bœufs.
Le paysan bondit quand il me vit m’approcher de lui. Je ne sais s’il voulait me toucher ni ce qu’il voulait faire, mais je me mis en position de défense jusqu’au moment où je vis qu’il restait debout, immobile, monté sur un tronc. Il avait bien dix-sept pieds (14) de haut. Il me regarda sans mot dire comme le ferait une bête. Je pensais qu’il ne savait parler, et qu’il était dépourvu d’intelligence. Toutefois, je m’enhardis (15) assez pour lui dire :
« Eh ! dis-moi donc si tu es ou non une bonne créature de Dieu !
- Je suis un homme, me répondit-il.
- Quelle sorte d’homme ? dis-je.
- Tel que tu vois ; je ne change jamais.
- Que fais-tu ici ?
- Je garde les bêtes de ce bois.
- Comment ? Par saint Pierre de Rome, elles n’obéissent pas à l’homme ! Je ne pense pas qu’on puisse garder des bêtes sauvages dans une plaine ou un bois.
- Je les garde pourtant. Jamais elles ne sortiront de cet enclos.
- Toi ? Et comment donc ? Dis-le-moi.
- Aucune n’ose bouger quand elles me voient venir, car, quand je puis en tenir une, je l’empoigne fortement par les cornes ; alors toutes les autres tremblent de peur et s’assemblent autour de moi comme pour crier grâce. Nul autre que moi ne pourrait éviter une mort immédiate s’il se trouvait au milieu d’elles. Ainsi, je suis le seigneur de mes bêtes. Mais dis-moi, à présent, quel homme tu es, et ce que tu cherches.
- Je suis un chevalier qui cherche ce que je ne puis trouver ; ma quête a été longue et vaine (16).
- Et que voudrais-tu trouver ?
- Des aventures pour éprouver ma vaillance et mon courage. Je te demande donc, je te prie, je t’implore de m’indiquer, si tu le peux, quelque aventure ou merveille. »
D’après Yvain ou Le chevalier au lion de Chrétien de Troyes