Poème en prose - Jour
Il est soir je pense, et je rêve à mon rêve.
Je rêve une balade, un crépuscule, parmi les feuilles rougissantes et bourgeons gelés par l'hiver. Je pense entendre un ruisseau, par là, chanter sa joie, et un oiseau voler parmi des flocons délicieux ; le superbe corbeau blanc, rouge et azur, régalerait mes yeux de son sombre arc-en-ciel.
Ma courte marche engagée, je visite l'utopie, devine les chouettes dans les troncs, les rubis tombés des arbres qui colonisent le sol comme de banales feuilles d'automne. Et les baies si tendres, et les mousses si mûres que je me prends au jeu et, fou que je suis, les broute sans peur.
Et puis au lever un cerf m'indique la route de ses bois ; chemin valdinguant et grouillant de sottes caresses, parmi le groseilles éparpillées. Chaque pin, chaque hêtre me montre enfin ses chatoyantes et vertes épines, et là une rose se moque de mes mélancolies.
Tôt je rentre de ma nuptiale promenade. Puis, près du feu, je me prends à attendre, attendre la nuit, et vivre l'ennui, et rêver ma vie.