Sport - Interview de Gymnaste
Gymnaste
portrait d'un sportif accompli
Gymnaste, pourriez-vous vous présenter afin que nos lecteurs puissent vous découvrir ?
Oui, bien sûr. Je suis donc l'écuyer Gymnaste, jeune gentilhomme de Touraine, et j'ai enseigné l'art de la chevalerie au prince Gargantua. Je pratique plusieurs sports et je suis également un fin stratège militaire.
Où nous trouvons-nous en ce moment ?
Nous sommes ici à l'abbaye de Thélème, où je suis hébergé par mon ami, le frère Jean des Entommeures, qui me fait profiter des formidables installations de l'abbaye. Il m'entraîne également au maniement du bâton de croix, une arme redoutable.
Justement, quels sports pratiquez-vous ?
Je suis, en premier lieu, un pratiquant du tournoi, un noble sport. Je suis bien évidemment aguerri à l'art de l'équitation - je suis notamment capable de sauter d'un cheval à un autre, de la haute voltige - mais j'aime aussi à m'exercer à la hache, à l'épée et autres armes blanches. Je lutte, je joue au ballon, je cours, je saute les fossés et les haies, j'escalade les murailles, les arbres, les montagnes. Je m'entraîne au lancer, au tir. Je suis un excellent gymnaste et un haltérophile très performant - je peux soulever sans effort des haltères pesant chacun huit mille sept cents quintaux. Je suis un as de l'escrime et... je crois que c'est tout. Ah non, j'allais oublier ! je pratique la natation. Voilà.
Eh bien, vous êtes un grand sportif ! Pourquoi une telle intensité dans l'effort ?
La question est juste, car, effectivement, la débauche d'énergie comme passe-temps ou simple plaisir est inutile. Mais si elle est utilisée comme un moyen de s'exercer à l'art militaire et de conserver une bonne condition physique, à ce moment-là elle devient utile, voire indispensable. Le sport est l'un des principaux instruments de la gloire, ce que recherche tout bon sportif.
Quel est votre exploit sportif le plus retentissant ? Pouvez-vous nous le narrer ?
(Il réfléchit) C'est probablement lorsque je tuai - eh oui, j'en fus navré mais je dus tuer - en souplesse le capitaine Tripet. J'alliais alors force et agilité, intelligence et rapidité d'exécution, gymnastique et escrime, deux de mes sports préférés, dans le cadre militaire et sur les ordres du bon prince Gargantua. Ratant ma première tentative de gymnastique sur cheval, je fis preuve d'abnégation et recommençai, avec plus de réussite cette fois, et après multitude de pirouettes endiablées, ayant effrayé la majorité de la troupe ennemie par mon incroyable force et par mon endurance inégalable, je descendis de cheval et massacrai les plus téméraires d'entre eux, qui n'osaient cependant me résister, tant ils pensaient que j'étais une incarnation du Diable. Les nigauds. Tripet voulut profiter de ce que j'étais en train de tuer les derniers d'entre eux, pour me fendre la cervelle par derrière, ce qui est non conforme à l'éthique sportive et militaire. Fort heureusement, je portai alors un casque et ne sentis que la force du coup. Je me retournai prestement et le pourfendis dans les règles de l'art. Il s'effondra, répandant au sol tripes et boyaux.
Impressionnant, en effet. Qu'est-ce qui fait de cet exploit votre préféré ?
Tout d'abord, il y a l'alliance de plusieurs sports (gymnastique et escrime, ndlr). Mais il y a aussi l'adrénaline, ce sentiment délectable, ressentie du fait de l'immense supériorité - numérique, pas stratégique - des troupes picrocholiennes ; cette impression, seul contre tous, de pouvoir renverser des montagnes. Mais, ce qui fait de cet exploit mon préféré parmi mes innombrables autres exploits - j'irais presque jusqu'à dire que je suis moi-même un exploit -, c'est sans doute le prestige qui en ressort, de par la difficulté que j'ai eu lors de l'exécution de mes mouvements acrobatiques, et cette force de caractère qui est le propre des grands sportifs, des grands champions.
Pour finir, qu'envisagez-vous pour la suite ? Un rêve, une ambition ?
Oui, j'aimerais participer aux prochaines Olympiades grecques, avec, bien entendu, de grandes ambitions : les Lauriers et l'admiration des peuples du monde entier, ce à quoi tend tout sportif de mon envergure.
Propos recueillis au sein de l'abbaye de Thélème, le 23 mai 1529.