Poème de Lorenzo - L'ennemi
PRESENTATION - CHARLES BAUDELAIRE
Le poème "L'ennemi" a été publié dans le recueil des Fleurs du Mal , paru en 1857, et regroupant presque l'intégralité des oeuvres de Baudelaire depuis 1840. Ici, l'ennemi est le temps. Charles Baudelaire (1821 - 1867) est aujourd'hui reconnu comme un des plus grands poètes du XIXème siècle. Il a rompu avec l'esthétique classique de la poésie, et a fortement influencé d'autres immenses figures de la poésie, telles que Rimbaud ou Mallarmé .
Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?
- O douleur ! ô douleur ! Le temps mange la vie.
Et l'obscur ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
Charles Baudelaire
PRESENTATION - LORENZINO DE MEDICIS
Lorenzino de Médicis ( 1514 - 1548 ) dramaturge, homme politique, écrivain et poète du XVIème siècle, a écrit ce poème en l' " honneur " du duc de Florence au pouvoir à cette époque, Alexandre de Médicis, qu'il assassina peu après.Comme on peut le constater, ce poème sera une source d'inspiration pour l'auteur des Fleurs du Mal...
L'ennemi
Ma jeunesse ne fut qu'un doucereux orage,
Guidé là où j'allais par le feu de raison.
Mais richesse et promesse à mon coeur si volage
Ont volé pureté, fruit vermeil, passion.
Voilà que j'ai touché les tréfonds de ce monde
Et qu'il faut employer les lames et les dents
Pour lever la cité contre son père immonde
Où le peuple est si mou qu'il supplie son tyran
Et qui sait si Florence, belle de mes rêves,
Trouvera par ce sort, renouveau de sa sève,
Le mystique aliment qui ferait sa vigueur ?
- Ô douleur ! - Ô seigneur ! La Mort punit le vice.
Et l'ennemi aimé qui nous ronge le coeur
Les soeurs que nous perdons dévore sans délices.
Lorenzino de Médicis