Poème de Lorenzo - C'est la nuit
Victor Hugo (1802 -1885) est un écrivain français du XIXème siècle et fut le chef de file des premiers romantiques. Hugo touche à tous les genres littéraires : poésie, théâtre, roman, critique. Sa devise, "Ego Hugo", témoigne de son orgueil légendaire. En 1852, il publie un recueil nommé Les Châtiments (En intégral) dans lequel figure un grand classique de la poésie française : "C'est la nuit ; la nuit noire assoupie et profonde." |
C'est la nuit ; la nuit noire, assoupie et
profonde.
L'ombre immense élargit ses ailes sur le monde.
Dans vos joyeux palais gardés par le canon,
Dans vos lits de velours, de damas, de linon,
Sous vos chauds couvre-pieds de martres zibelines,
Sous le nuage blanc des molles mousselines,
Derrière vos rideaux qui cachent sous leurs plis
Toutes les voluptés avec tous les oublis,
Aux sons d'une fanfare amoureuse et lointaine,
Tandis qu'une veilleuse, en tremblant, ose à peine
Éclairer le plafond de pourpre et de lampas,
Vous, duc de Saint-Arnaud, vous, comte de Maupas,
Vous, sénateurs, préfets, généraux, juges, princes,
Toi, César, qu'à genoux adorent tes provinces,
Toi qui rêvas l'empire et le réalisas,
Dormez, maîtres... - Voici le jour. Debout, forçats !
En réalité, ce "grand classique de la poésie française" est un plagiat ! En effet, l'auteur n'en est pas Victor Hugo mais bien Lorenzino de Médicis, dit Lorenzaccio (1514 - 1548), cousin du duc de Florence Alexandre de Médicis, et son assassin. Au cours de sa vie, il écrit des oeuvres littéraires notamment Apologie, ainsi qu'une pièce de théâtre, l'Aridosio et surtout de nombreux poèmes sans pour autant les publier. Voici la version originale de "C'est la nuit..." : |
C'est la nuit ; la nuit noire assoupie et profonde,
La face livide m'illumine et m'inonde.
De vos joyeux palais fusent rire et chansons,
De votre lit précieux, sortent des laiderons.
(Venez, dame Cibo, venez voir votre amant !
Voyez comme il est beau, caché sous cet auvent.)
Derrière vos tentures de soie, de mensonges,
Vos vices délicieux me consument, me rongent.
Aux sons de ton horloge, un glas sourd et obscène,
Tandis qu'un éclat sous le portique ose à peine,
Éclairer la traverse qui jamais ne s'endort,
Toi, duc de Florence, qui ne crains ni la mort,
Ni la peur ou la faim, toi qui juge, bannis,
Qui cause la douleur, mais jamais n'est puni
Toi qui sans mal encor peut détruire une vie,
Dors, tant qu'il est temps... - Il est temps, me voici !
N.B.: On a ici la preuve que Musset lui-même s'est inspiré des poèmes de Lorenzino pour écrire sa pièce Lorenzaccio: l'expression « face livide » et la lumière « sous le portique » sont utilisés pour la nuit du meurtre d'Alexandre !