Lecture personnelle - Une affaire de femmes
Une affaire de femmes
Francis Szpiner
Acheté un tiède matin d'été lors d'un vide-grenier, commencé il y a trois jours et terminé hier soir, j'ai littéralement dévoré ce roman !
Avant de vous faire part de l'ensemble de mes impressions concernant ce récit et, histoire de vous mettre l' eau à la bouche,un petit résumé s'impose :
L' histoire se passe à Paris, sous le régime de Vichy. En juin 1943, Marie-Louise Giraud, la " faiseuse d'anges ", accusée d'avoir pratiqué au total vingt-sept avortements, est condamnée à mort par un tribunal d'exception. Dès lors, seule la grâce présidentielle aurait pu lui sauver la vie. Malheureusement, le Maréchal Pétain refuse de la grâciée et, deux mois plus tard, dans la cour de la prison de la Roquette, le couperet de la guillotine s'abat sur elle. Elle sera une des toutes dernières femmes éxécutées en France pour la pratique d'avortements. Au début de la guerre, à Cherbourg, cette mère de famille d'une quarantaine d'années commença à aider ses voisines à se débarrasser d'un fardeau non désiré, que ce soit en raison de la pauvreté du couple, de son illégitimité, d'une passade amoureuse et, plus tard, d'une liaison avec l' occupant. Au début, il n'était pas question d'argent, seule la solidarité comptait. Puis, petit à petit, les " services " cessent d'êtres bénévoles et se font désormais contre rémunération. Ce sera alors le début de l'engrenage jusqu'au jour tragique où une intervention provoquera un décès. La France de Pétain, celle de la Famille, ne lui pardonnera pas.
Cette sombre affaire des heures noires de l' Occupation, à été longtemps éclipsée après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. L'auteur, Francis Szpiner, avocat au barreau de Paris a retrouvé les minutes du dossier de l'affaire Giraud et en a fait un livre, en 1986. Elle fut finalement rendue célèbre en 1988 par l' adapation cinématographique de Claude Chabrol Une affaire de Femmes.
Couverture d ela première édition de 1986
La lecture de ce livre m'a fait passer par bien des états.
J'ai été attendrie devant la volonté de cette femme à essayer d' échapper à son funeste destin, qui, comme la majorité des femmes de l'époque, l'attendait : Les fiançailles, le mariage, les enfants. Élever ses enfants, faire la cuisine, gérer la maison et attendre la mort voilà ce qui l'attendait, elle le dit elle-même. Une vie sans perspectives de changements, une vie sans voyages... Certes, grâce à sa volonté et à sa ténacité elle parvient à contourner cette vie quelques temps, mais à quel prix !
J'ai pleuré devant la détresse de toutes ses femmes, enceintes d'un enfant qu'elles ne désiraient pas et dont la venue au monde aurait détruite leurs vies.
Je me suis indignée devant la loi de 1920 qui avait pour but d'interdire l'avortement des femmes pour deux grandes raisons : Combler le trou démographique suite aux pertes de la Première Guerre Mondiale mais aussi rivaliser avec les pays voisins de la France ( et notamment l'Allemagne), qui avaient un taux de natalité plus élevé.
J'ai frissonné lorsque j'ai découvert la loi du 15 Février 1942, qui aggravait la loi précédente, loi selon laquelle l'avortement devenait un crime contre la sûreté de l' État est devenait passible de la peine de mort.
J'ai repris espoir, souhaité de toutes mes forces la grâce de Marie-Louise Giraud lorsque son avocat et d'autres personnes lui assuraient qu'elle serait bientôt libérée, qu'il ne s'était jamais vu une peine de mort prononcée pour des avortements. Ils se trompaient.
Je me suis énervée, lorsque le système judiciaire de la France sous l 'Occupation, des plus injustes et ne prenant aucunement appui sur les lois, est expliqué." La folie de la guerre " , je ne vois pas d'autre explication devant la désorganisation et l'injustice de ces tribunaux corrompus.
Enfin, mon estomac s'est noué lorsque Marie-Louise Giraud apprend qu'elle ne sera pas grâciée. Comment faire face à la mort ? Comment s'y résoudre ? Comment se préparer à passer de " l'autre côté " ? Emprisonnée de solitude et de questions sans réponses, Marie-Louise a dû y faire face.
J'espère vous avoir donné envie de lire ce livre et, si cela est le cas, bonne lecture !