Election - Brigitte Mouchel
Tu restes un peu à la fenêtre, visage qui rêve, et le vent vient te frôler, et des éclats de rire… et tu regardes loin derrière l’horizon, fière, face au monde… Tu restes un peu à la fenêtre, visage qui rêve, le vent vient te frôler, et des éclats de rire… et tu souris, fière, face au monde… tu restes un peu à la fenêtre, visage qui rêve… et le vent vient te frôler, éclats de rire, et le silence… visage qui rêve à la fenêtre… et tu souris, fière, face au monde, et ton sourire, visage en rêve, nourrit le monde, alors ton sourire, face au monde… viennent te frôler le vent et des éclats de rire, le silence… sourire qui rêve à la fenêtre… tu restes un peu à la fenêtre, visage qui rêve… et le vent vient te frôler et des éclats de rire, le silence… et ton sourire à la fenêtre…visage-paysage qui te raconte, tu rêves et ton visage parle en douce de tes espoirs, dire en douce tes espoirs, fière de ton sourire, visage qui rêve, sourire à la fenêtre, et fière, ton sourire face au monde, défie, alors, ton visage parle en douce de tes espoirs…
De tout le recueil, c’est le passage que j’ai préféré. Je l’ai perçu comme un interlude au milieu du fracas qui est décrit dans le poème auquel il appartient. Ce morceau ne semble d’ailleurs plus y appartenir, il est comme hors du temps, hors du monde.
La première fois que je l’ai lu, je n’ai pas fait tellement attention, je lisais sans vraiment lire, en alignant bêtement dans ma tête des mots qui semblaient se répéter inlassablement. J’en avais seulement retenu ceci : « tu rêves et ton visage parle en douce de tes espoirs ». Ca m’a interpelée, mais je n’ai pas cherché à élargir mon champ de vision. Finalement, la relecture s’est imposée, et à voix haute cette fois. Et j’en suis bien heureuse, parce que j’aurais pu passer à côté d’une perle. Je m’étais trompée, les mots ne se répètent pas. Ils changent de discours au contraire en changeant de phrase, de ton, d’image. Le monde entier se mélange. Et c’est de mélanges que résulte l’harmonie. Car en effet, ces mots vont tous dans le même sens. Et ils dressent un portrait. Le portrait d’un visage « en rêve », d’un sourire qui « nourrit le monde », d’une femme emplie d’espoirs. Cette précision est telle à mes yeux que je peux mettre un nom sur ce « visage-paysage ». La demoiselle s’appelle Isabelle, naturellement.