Ecriture d'invention - Zoos humains 6
A la fin du 19ème siècle, le directeur du Jardin d'acclimatation imagine de recruter des indigènes pour les présenter au public. Pendant trente-cinq ans, les Français se passionnent pour ces "exhibitions ethnologiques", lançant de la nourriture et de la verroterie aux "sauvages" parqués derrière les grilles. Le phénomène des "Zoos humains" se développe dans toute l'Europe durant des décennies, attirant des millions de personnes. Ces spectacles sont à à la fois un outil de propagande colonialiste, un objet scientifique au service de thèses racialistes, une source de divertissement voyeuriste. Ainsi se construit le regard des occidentaux sur l'Autre...
Les lycéens d'i-voix donnent ici la parole à cet Autre.
Février 1892 : un "Caraïbe" exhibé au Jardin d'acclimatation sort de son silence.
Voici quelques extraits de ce discours ...
"(...) Homme blanc, tu n’es ni un Dieu ni un Démon : qui es-tu donc pour nous réduire à l’état animal ? Tu nous as humiliés, enfermés dans des enclos à la portée de ces regards moqueurs, de ces vautours affamés qui n’attendent qu’une chose, c’est de nous entendre pousser des cris et de nous voir nous conduire comme des animaux afin de vérifier leurs préjugés sans se donner la peine de s’ouvrir à notre culture.
Vous nous avez exposés à ces regards pendant des années entières. Vous nous avez déshumanisés, nous avions fini presque par croire que nous n'étions plus humains. Vous êtes venus manger, engloutir nos cultures sans aucun respect.
Nous étions innocents, heureux et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous aurions pu l’être pendant encore plusieurs années, si toi Homme blanc n’avait pas sacrifié notre culture pour de l’argent. Voilà votre véritable divinité : ce métal brillant ! Vous nous avez arrachés de chez nous, juste pour avoir plus de visiteurs et par conséquent plus d’argent.
Vous, Européens, habitants de terres extrêmement peuplées, ne laissez même plus de place à votre propre Mère : la Nature. Vous l’étouffez de jour en jour avec vos constructions et le bruit ; il y règne une pollution permanente qui nous agresse et nous oppresse : le doux ruissellement des ruisseaux, la délicieuse odeur des Calliandra au printemps, l’envoûtant cri des oiseaux laissent place au brouhaha des villes et à la colère.
(...)"