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Publié par Mathilde

http://4.bp.blogspot.com/-CFQVvrqLcVU/TxFsHhKvpnI/AAAAAAAAEkc/woOAgOKdTGw/s640/Zoo-Humain.jpgSource image

 

A la fin du 19ème siècle, le directeur du Jardin d'acclimatation imagine de recruter des indigènes pour les présenter au public. Pendant trente-cinq ans, les Français  se passionnent pour ces "exhibitions ethnologiques", lançant de la nourriture et de la verroterie aux "sauvages" parqués derrière les grilles. Le phénomène des "Zoos humains" se développe dans toute l'Europe durant des décennies, attirant des millions de personnes. Ces spectacles sont à à la fois un outil de propagande colonialiste, un objet scientifique au service de thèses racialistes, une source de divertissement voyeuriste. Ainsi se construit le regard des occidentaux sur l'Autre...

Les lycéens d'i-voix donnent ici la parole à cet Autre.

Février 1892 : un "Caraïbe" exhibé au Jardin d'acclimatation sort de son silence.

Voici quelques extraits de ce discours ...

 

http://www.quaibranly.fr/typo3temp/pics/ef96232e54.jpgSource image

 

" Que tout cela s'arrête ! Je vois des millions de gens passer toute la journée devant cette cage infâme, dans laquelle je n'ai aucune intimité, aucun droit, rien ! Des millions de sans cœur, qui sont venus se moquer du pauvre petit sauvage que je suis, admirer un « Caraïbe », car c'est comme cela que l'on m'appelle, voyez-vous ? Je n'ai même pas la permission de choisir mon nom! Et durant ces journées infinissables, je subis vos rires horribles, quoique ce ne soient pas les moqueries le pire. Le pire, c'est de devoir supporter vos visages d'anges coupables à longueur de journée, ces visages gras, tellement laids que vous êtes obligés de les recouvrir de poudre blanche pour ne pas vous faire vomir les uns les autres. Je dois supporter vos petites gueules de bourgeois à l'odeur de fleur fanée dont vous vous parfumez abondement. Vous n'êtes qu'une bande de prétentieux, qui croient avoir des connaissances, de la supériorité par rapport à moi. D'ailleurs, c'est en partie pour cela que j'ai autant de visiteurs, tout ceux qui sont ici, ont tellement peu de confiance en eux, qu'ils viennent se comparer à un sauvage sur lequel ils sont sûrs d'avoir tout les droits.


(...) 

 

Maintenant, allez-vous en, je ne veux plus vous voir. Je sais que personne ne voudra me libérer après ce que je viens de dire, que je suis condamné à finir ma vie dans cette cellule, que je mourrai de folie. Mais peu m'importe. J'ai exprimé ce que je ressentais, je me suis fait entendre. C'est tout ce dont j'avais besoin. 

 

Après que ce Caraïbe du zoo de Paris eut fini son discours, les passants qui l'avaient écouté, et qui pouvaient se compter sur les doigts des deux mains, en grande majorité passèrent leur chemin, en gardant fixée sur le visage une expression impassible. Tous partirent, sauf un. C'était un petit garçon, il devait avoir environ huit ans. Il sortit de sa poche une friandise, l'offrit au sauvage, puis le regarda avec des yeux pleins de respect et de bonté avant de partir en courant. Ce petit garçon avait été abandonné à la naissance, il avait grandi par lui même, avait toujours vécu dans la rue. C'est ce même garçon qui, sept ans plus tard, brisera le cadenas de la cage des Caraïbes, fera sortir tous ses habitants, puis s'enfermera seul à l'intérieur pour le restant de ses jours, dans la quasi ignorance du monde qui l'entourait."


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