Beckett - Premier amour
" J’associe, à tort ou à raison, mon mariage avec la mort de mon père, dans le temps. Qu’il existe d’autres liens, sur d’autres plans, entre ces deux affaires, c’est possible. Il m’est déjà difficile de dire ce que je crois savoir . "
Un monologue. D'une heure et quart. Certains se diront " Berk, j'ai bien fait de pas venir ". D'autres resteront dubitatifs quant à l' interêt d'une telle pièce de théâtre. Et pourtant, face a ce personnage étrange, inquiétant parfois, toujours émouvant, on ne peut qu'être captivé, suspendu à ses lèvres, buvant la moindre de ses paroles. Il nous offre une petite parenthèse d'émotion, de réflexion. Il nous raconte une parcelle de la vie qu'il a choisi de vivre seul, afin d'en profiter au mieux, et comment il a rencontré son " épouse d'un soir ". Il nous invite à un voyage au coeur de ses sentiments les plus tristes, les plus étranges, les plus fous.
Une mise en scène très intimiste, puisque l'unique acteur (l'exceptionnel Sami Frey ) se tient pendant toute la représentation assis sur un banc très sobre à moins de trois mètres du premier rang, et un texte très fort, qui incite autant au rire qu'aux larmes, sont les ingrédients de la réussite de " Premier amour ". Cela crée une atmosphère lourde, quasi mystique, qui nous fait pénétrer " là où se terminent les mots " et où commence l'imaginaire, cette frontière magique et impalpable, ce fil sur lequel oscille en permanence l'univers de Samuel Beckett.