Poème de Lorenzo - L'albatros de Toscagne
L'albatros
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
L'albatros de Toscagne
Moi, Lorenzo, je veux m'évader de Florence,
Fuir comme un albatros, mais avant le tuer.
Si vaste oiseau de mer ! Ma vie a l'odeur rance
Et, glissant dans le gouffre amer, je suis hué
Dans la ville du vice où le roi de l'azur
Est un batard : Alexandre de Médicis !
Je le tuerai, je redeviendrai l'être pur,
Et je m'envolerai, loin des morts, et du vice.
Moi, vengeur ailé, comme je suis gauche et veule.
Naguère si beau, je deviens laid. Mais un jour,
Je lui clouerai le bec, lui brûlerai la gueule,
A ce duc ! Il faut d'abord lui faire la cour.
Moi, Lorenzo, semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer,
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Mes ailes de géant m'empêchent de marcher.
Photo i-voix