Cas de conscience de Julien Sorel par Lise
Livre I, Chapitre XV : Le Chant du Coq. p.83
Une visite perdue entre raison et désir
Je veux la voir, je veux vraiment la voir. Je vois bien que mon absence l’a fait réfléchir. Je vois bien que mon voyage à Verrières l'a chamboulée. Mais que puis-je faire, que puis-je lui dire ? Dois-je aller la voir ? Allez, Julien, réfléchis, que ferait Napoléon à ta place ? Il ferait évidemment preuve de courage et irait la voir.
En même temps, Napoléon est bien gentil mais, il n’était pas simple paysan, désirant la femme de son employeur. Je ne peux pas aller la voir cela paraitrait bien trop suspect. Et, je dois m’occuper des enfants, et oui c’est mon travail, c’est d’ailleurs pour ça que je suis ici.
Mais je ne peux pas rester sans rien faire, je l’aime, je l’aime d’un amour tellement fort, qu’il me faut l’exprimer, lui dire ô combien je l’aime.
Si seulement les choses étaient plus simples, si moi aussi j’étais un homme de fortune ! Je me fais honte, vouloir courtiser la femme de M de Rênal, quelle personne assez ignorante aurait ce genre de pensée. C’est un homme qui me paie et pour lequel je travaille, c’est décidé je n’irai pas.
Et en même temps Napoléon disait aussi que l’amour est une sottise faite à deux. Après tout Mme de Renal me rend bien ses intentions. Si j’allais la voir ce soir dans sa chambre, personne n’en saurait rien, ni son fidèle époux, ni Mme Derville, les enfants dormiront à cette heure-ci, ce sera comme un défi à relever pour moi.
Pourquoi me lamenter autant, je devrai suivre la raison, me rendre dans ma chambre et ne plus en sortir jusqu’à demain.
Mon désir dépasse-t-il autant ma raison ? Mon propre intérêt personnel viendrait-il tout bousculer ? J’agis de façon égoïste, démesurée et rebelle, mais c’est décidé, je vais aller la voir afin de lui exprimer mon idée, j’irai ce soir la rejoindre dans sa chambre.
Monologue de Julien à écouter ci-dessus