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Publié par Adèle

Selfie de poème – Automne

Je m’appelle Automne, je suis un poème d'Alcools écrit par Apollinaire à la 131ème page du recueil. Je suis l’un des poèmes les plus intéressants et surprenant de ce recueil car derrière mon apparente simplicité se cache une richesse d’interprétations et d’émotions. Je suis mélancolique et j’appartiens au registre lyrique. Je suis propre à l'automne (« brouillard d'automne »), épais et opaque, on ne voit presque pas à mon travers. Je m’ouvre sur l’expression « Dans le brouillard » qui me place dans une atmosphère incertaine et vaporeuse, qui peut être celle d’un paysage mais aussi celle du rêve ou du souvenir. Mon thème est traditionnel, il a inspiré de nombreux poètes : de Ronsard (« Hymne à l’Automne »à Prévert (« Les feuilles mortes »), en passant par Verlaine (« Chanson d’automne » et « En Septembr»), Baudelaire (« Chant d’automne » et « Spleen »), Chateaubriand (« Mémoires d’Outre- tombe »), Lamartine (« L’automne »), Victor Hugo (« Voici que la saison décline »)… Apollinaire pratique énormément la réécriture et la variation sur des thèmes connus, y compris à l’intérieur de sa propre œuvre (« Loreley », « Salomé », « Merlin », « Le larron »…). Aussi est-ce tout naturellement qu'il s'attache à l’automne, lui qui a aimé Ronsard et qui doit tant à Verlaine. Ce sont suffisamment d’exemples pour montrer la dimension symbolique de mon thème et la façon dont Apollinaire l’utilise pour révéler ses propres angoisses et obsessions.

Tout d’abord, je tiens à noter que l’automne est une saison chère à mon poète. Cela se remarque notamment dans la présence de l’automne dans la-quasi-totalité de ses poèmes dans le recueil Alcools. Apollinaire est né au début de l’automne sous le signe de la Vierge, pour lui comme pour tant d’autres poètes il s’agit donc d’une saison de prédilection. La mort de l’été, les vendanges de septembre, l’approche de l’hiver offrent une gamme infinie de couleurs et de symboles aux auteurs d’élégie et de méditation sur la fuite du temps. Les romantiques en avaient fait l’un de leurs motifs favoris. Il s’agit donc d’un thème presque banal et qu’Apollinaire s’approprie de façon originale. En effet, mon démiurge utilise cette saison comme moyen d’expression de ses sentiments. Par exemple, dans le poème « Signe », il féminise le genre de cette saison : « Mon automne éternelle ô ma saison mentale », il l’associe aux souffrances de l’amour, au déclin, dans des images parfois macabres et violentes : « les mains des amantes jonchent ton sol ». Le poème « Colchiques » dont le dernier mot est « automne » annonçait cette idée : le pré est joli mais vénéneux en automne. Ce thème revient dans « Marie » :« tes mains feuilles de l’automne », ainsi qu’avec « Automne » évoquant le thème de l’infidélité : « l’automne a fait mourir l’été ». Dans « Rhénane d’automne » cette saison est associée au jour des morts puis à la saison bachique de l’ivresse poétique dans « Vendémiaire » : « Que Paris est beau à la fin de septembre » . Enfin, dans le poème « Signe », il rappelle cette idée : « Je suis soumis au chef signe de l’Automne ».

Paysage d'automne, ciel d'orage - Maurice de Vlaminck (1876 - 1958), peintre français

Paysage d'automne, ciel d'orage - Maurice de Vlaminck (1876 - 1958), peintre français

Et s’en allant là-bas le paysan chantonne
Une chanson d’amour et d’infidélité
Qui parle d’une bague et d’un cœur que l’on brise

Oh! l’automne l’automne a fait mourir l’été

Automne, Guillaume Apollinaire, Alcools (p. 131), 1913

Les vers que j'ai choisis ci-dessus sont à mon sens les plus intéressants car ils abordent de nombreux thèmes  en peu de mots, ce qui prouve leur finesse et leur beauté. L’automne, une saison de transition, de passage entre l’été et l’hiver. C’est la saison préférée de mon auteur, qui devient le symbole du changement du temps qui passe et qui abîme tout sur son passage jusqu’à effacer l’amour. L'image de l'automne qui tue l'été symbolise l'amour fou de l'été malheureusement tué par l'arrivée de l'automne et la perte des beaux jours. L’automne est le meurtrier de l’été, saison du bonheur et de l’amour. D’ailleurs, la répétition du terme « automne » associe cette saison à la douleur du poète : « l’automne l’automne a fait mourir l’été ». J’exprime le désespoir amoureux. Je « parle d’une bague et d’un cœur qui se brise », ce rapprochement entre l’objet et l’organe de l’amour fait déchoir l’amour, ramené au statut de simple objet brisé. Dans Alcools, c’est tour à tour l’homme et la femme qui trompent ou déçoivent. Le pronom « on brise» montre combien chacun peut infliger ou subir la trahison, la peine d’amour. En somme, j’évoque la mélancolie qu’incarne l’automne, la fuite du temps et la tristesse de la déception amoureuse. D’ailleurs, le thème de la déception amoureuse est central dans Alcools. On le retrouve par exemple dans les poèmes « Annie », « Les Colchiques », « Mai », « Sous le pont Mirabeau » et « La chanson du Mal-aimé ».

IMAGE SELFIE :

Selfie de poème – Automne

Finalement, à travers cette chronophotographie d’oiseau parcourant le ciel, j’ai souhaité insisté sur la notion de changement, de transition associée à l’automne. Plus l’oiseau progresse plus son image se trouble jusqu’à disparaître, ici, l’automne paraît comme une allégorie de la fin des choses, de la fuite du temps vers la mort. C’est une saison de passage de l'abondance au déclin. Le poète montre l'ambiguïté de l'automne qui est une saison de passage de l'été (connotation de la vie, de la pleine santé de la nature, de l’amour) à l'hiver (connotation de l'immobilisme, de la mort). Né sous le signe de la Vierge qui marque le début de l'automne, Apollinaire fait de cette saison, un symbole du temps qui passe, de la mort, des souffrances de l’amour et, partant, des fins des amours. On peut rapprocher ce paysan et cette oiseau d’autres figures de l’errant qui traversent le recueil : migrants, tziganes, circassiens, magiciens. Le vers 4 évoque un « là-bas » fascinant pour lequel l’oiseau disparaît, laissant le mystère de la destination. Le participe passé « s’en allant » et le polyptote « chantonnent » et « chanson » créent un effet de simultanéisme. Apollinaire se nourrit des novations du cubisme (Picasso, Braque) et du futurisme (Sonia et Robert Delaunay) pour élaborer une poésie « en un seul plan », où tous les éléments semblent simultanés, d’où l’idée de la photo séquence pour représenter un mouvement, un passage en une seule image.

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