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Publié par i-voix

Les lycéen.nes i-voix ont travaillé autour de questions transversales portant sur la pièce de Jean-Luc Lagarce Juste la fin du monde.

Modalités : confrontation de documents et d'idées en binômes, puis partage des synthèses sur la plateforme collaborative

Sources : la pièce, les productions i-voix sur la pièce, le paratexte, des documents en ligne, des réflexions personnelles., des recherches sur internet

En voici un exemple autour d'une des questions posées

Pouvez-vous dresser le portrait d’un personnage de la pièce autre que celui que vous avez fait vivre sur Instagram ? 

 

Juste un entretien partagé  - Portraits de personnages

LOUIS

Dans un premier temps, nous allons étudier le comportement de ce héros à travers l’œuvre de l’auteur puis dans un second temps le comportement inculqué par nos camarades et finalement dans un 3ème temps ce que nous y voyons personnellement.  

 

LOUIS D’UNE SCÈNE A L’AUTRE

  • Dans un premier lieu, on observe dans le prologue que Louis nous confesse sa mort inéluctable. En effet, il livre directement deux informations, essentielles : sur son âge : L. 3 « j’ai près de 34 ans maintenant », et sur son devenir = la mort : L. 2. « j’allais mourir à mon tour ». On en déduit alors que cette pièce est une tragédie dans laquelle le protagoniste cherche à nous montrer sa crainte, son effroi mais malgré cela, il nous dit qu’il veut se battre et, bien qu’il ait raté sa vie, c’est sa mort qu’il compte réussir : “être [son] propre maitre”.  

 

  • Par la suite, à la scène IX de l’Acte I, on peut retrouver l’ensemble des personnages et on y observe alors une crise familiale de la parole. En effet, on peut voir qu’après une proposition digestive de Catherine (un café), Suzanne rétorque avec véhémence à la politesse excessive de Catherine, ce qui provoque un lourd conflit dans lequel personne ne s’écoute et Louis est plutôt en retrait, distant à la dispute, comme s’il était trop sage pour s’y attarder, ou bien plutôt trop absent pour avoir la légitimité d’intervenir.  

 

  • Finalement, Louis, dans le dernier extrait, se fait chapitrer par son benjamin sans prononcer de mot. Louis est non seulement absent physiquement durant son éloignement mais il l’est aussi intellectuellement et moralement et c’est ce que Antoine lui reproche : ”J’ai encore plus peur pour toi que lorsque j’étais enfant “. En effet, Antoine exprime ici son ras-le-bol et cela se voit par ses moqueries, ses reproches à l’égard de son aîné : “Alors que toi, silencieux, ô tellement silencieux, bon, plein de bonté”. On observe donc que Louis s’est dérobé à ses obligations de fils aîné après la mort du père. Enfin, un ultime dialogue s’installe, réduit aux deux frères : La crise familiale s’est recentrée sur l’essentiel, la relation toxique entre les 2 frères. La pièce s’était ouverte sur la possibilité d’une parole, celle de Louis ; elle s’achève sur le choix du silence, par Antoine : « J’ai fini. / Je ne dirai plus rien / Seuls les imbéciles ou ceux-là, saisis par la peur, auraient pu en rire. /». Ce choix condamne aussi Louis à se taire de la même façon : Louis ne pourra faire son annonce. Les derniers mots sont aussi un constat d’échec, un triste renoncement. Un adieu à la communication. La dernière réplique de Louis : “Je ne les ai pas entendus”, laisse un possible implicite : ‘mais toi, je t’ai entendu’. On peut lire cette dernière réplique comme un progrès (désormais, nous nous comprenons un peu mieux), voire comme un aveu (je sais désormais combien je t’ai fait et je te fais souffrir). En revanche, tout ceci reste dans l’implicite et Louis ne s’excuse pas, il reste en second dans le dialogue, nous montrant un héros passif et impuissant tout au long de la pièce, malgré sa détermination de ‘réussir sa mort’. 

 

LOUIS D’UN POST A L’AUTRE

En second lieu, nos camarades ont cherché à montrer l’extimité de Louis à travers des posts Instagram. On peut voir que sur le compte vivent des sentiments de poids sur sa mort, du temps qui passe et “n’attends personne”. En réalité, les mots que Louis n’a pas pu prononcer ont été partagés par les yeux. En effet, sur un ensemble de 16 posts avant la fin de la pièce, il n’y a que 3 qui n’évoquent pas sa mort, pour parler de ses regrets, du fait qu’il ait vite été oublié et d’un de ses “rites” d’enfance. Ainsi, malgré sa volonté de vivre, on observe que sa mort le suit de près comme son ombre pour qu’il ne devienne plus qu’ombre. 

 

LOUIS VU PAR NOUS

En dernier lieu, nous allons dresser le portrait du Louis que nous-mêmes avons vu.

  • Tout au long de la pièce, Louis est en retrait, souvent parce qu’il ne sent pas chez lui dans sa maison d’enfance, ce qui fait que, malgré son importance incontestable dans la pièce, Louis semble très au second plan, et ce malgré ses longs monologues et surtout le prologue.
  • D'autre part, on observe qu’il y a une crise familiale de la parole dans cette pièce ce qui fait que les dialogues sont souvent impossibles et tournés en disputes. Lors de ces disputes, il y a certains personnages qui parlent beaucoup pour dire ce qu’ils ressentent comme Antoine ou Suzanne, et d’autres qui sont très en retrait, plus spectateurs qu’acteurs comme Catherine, La mère ou encore Louis, alors qu’il est le héros de la pièce.
  • Alors, malgré nos études, il est difficile de voir notre image de Louis (timide, discret, sans aise, spectateur)s’éloigner car ces visions sont plutôt complémentaires qu’opposées, et par conséquent on voit toujours un homme qui a raté sa vie et qui n’arrive même pas à réussir sa mort. 

 

SUZANNE

Nous avons choisi de vous présenter Suzanne. C’est la sœur du personnage principal Louis, elle a 23 ans et est la petite dernière de la famille.  

  • C’est une jeune fille insouciante vivant pleinement sa jeunesse et qui exprime facilement ses sentiments.  
  • Suzanne grandit seule dans la maison familiale au côté de sa mère. Arrivée trop tard dans la famille, Elle ressent donc un sentiment d’abandon, délaissée par ses frères et plus particulièrement Louis.  
  • Elle déborde d’énergie, d’émotions et de désirs encore inassouvis : “Je voudrais partir mais ce n’est guère possible.”. 
  • Ce personnage a une colère enfouie en elle, elle est perdue entre frustration et tristesse 
  • Suzanne laisse place à la grossièreté, à la confrontation sans cesse basé sur le rejet des valeurs familiales ; elle est en pleine crise d’adolescence.
  • Essayant de trouver sa place dans une famille en crise, elle fait preuve de spontanéité et de sincérité 
  • Face au retour de Louis, Suzanne veut montrer qu’elle a grandi, elle attend depuis longtemps le retour de son grand frère. Elle a peu connu la vie avec ses deux frères réunis.  Elle met beaucoup de bonne volonté pour essayer de rattraper ce retard, en vain. Elle joue donc un rôle et cherche à faire bonne impression devant lui. Ce comportement insupporte son autre frère Antoine qui lui, était là durant son enfance à ses côtés jouant le rôle de père. Pour finir, Suzanne est vue par les autres membres de la pièce comme étant le “bébé” rebelle de la famille, qui cherche à se faire entendre.    

LA MÈRE

  • Le personnage de la mère est un personnage central dans les pièces de Jean-Luc Lagarce, elle est le seul personnage n’ayant pas de prénom, elle est réduite à son statut de mère. Représente-t-elle toutes les mères ?  
  • La question se pose car ce personnage est celui du pilier de la famille, celle qui régule et stop les échanges conflictuels. On le voit par exemple dans la 1ère partie de la scène 2 (p.59 ; l.109) lorsqu’elle dit à Catherine, en parlant d’Antoine : “laisse-le, tu sais comment il est.”, elle tente de calmer ses enfants en prenant soin, dans le possible, de ne pas prendre parti pour l’un d’entre eux. 
  • De plus, elle connait parfaitement les membres de sa famille et anticipe chacune de leurs réactions notamment quand elle dit : “je sais comment cela se passera et s’est toujours passé” dans la 1ère partie de la scène 8 (p.82 ; l.52), elle défend son fils aîné, Louis, en attendant son retour. 
  • Elle est aussi mélancolique car elle reste la gardienne du passé familial en leur remémorant dans la scène 4 de la 1ère partie, les dimanches passés en famille lorsque son défunt mari était encore vivant.  
  •  En outre, elle a aussi des réactions “décalées” qu’on ne comprend pas toujours, elle veut parfois tout dire mais elle le fait maladroitement.  
  • Enfin, elle a, comme tous les autres personnages de la pièce, un manque d’écoute qui empêche sa famille de se comprendre.  

CATHERINE

Nous pourrions dresser le portrait du personnage de Catherine : c’est une personne discrète, étrangère à la famille, mais qui pour autant est très intéressante. Elle sait beaucoup de choses, mais ne le dit pas forcément. Inconsciemment, il y a énormément de choses à dire sur elle.

  • Elle est témoin de la crise familiale, mais ne peut pas prendre parti car elle est mariée à Antoine, et ne souhaite pas faire le messager (cf. ce qu’elle dit à Louis : « Il est bien préférable que vous ne me disiez rien et que vous lui disiez à lui ce que vous avez à lui dire », « Moi je ne compte pas et je ne rapporterai rien / (...) ce n’est pas mon rôle » (1re partie scène 6).
  • De plus, implicitement, dans cette œuvre, on essaye de nous faire comprendre que Catherine sait pour ce que Louis ne dit pas, elle sait qu’il est malade, et sait également qu’il a trouvé l’amour, mais pas avec une femme : “Elle se révèle plus perspicace qu’elle n’y paraît au début”.
  • Pourtant, malgré le fait qu’elle ne s’exprime quasiment pas au début de l’œuvre, Catherine permet les retrouvailles entre Louis et sa mère, discute du manque de relation entre Antoine et son frère, elle se veut “garante de l’unité familiale”, et finit par dire à Louis de partir, non pas car elle a quelque chose contre lui, mais pour rétablir l’équilibre familial, qui était sain avant que Louis arrive, car en fait personne ne s’exprimait : «je voudrais que vous partiez. / Je vous prie de m’excuser, je ne vous veux aucun mal, mais vous devriez partir » (2e partie scène 2).
  • Catherine dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas, mais pour autant “semble manier le langage avec précaution et justesse, maîtriser et mesurer les mots pour ne pas blesser autrui”. 

ANTOINE

Antoine est le petit frère de Louis, fils cadet de la famille. Il est marié à Catherine, père d’un enfant, enfant appelé Louis, ce qui n’est pas anodin, et il travaille en tant qu’ouvrier. Antoine est clairement le personnage le plus complexe.

  • Après la mort de son père et le départ de Louis, son grand frère, Antoine dois s’accaparer le rôle de “l’homme de la maison”, un rôle qui va fortement lui peser tout au long de la pièce.  
    Comme l’explique la mère : “Il se voulait responsable de moi et responsable de Suzanne / et rien ne lui semble autant un devoir dans sa vie” (1ère partie scène 8, L.160-161).
  • Durant toute la pièce, on remarque que la personnalité d’Antoine dénote fortement de celle de son frère. Contrairement à ce dernier, Antoine ne semble pas maîtriser l'art des mots, et est bien plus bavard que Louis.  
  • Le principal point commun les rapprochant, c’est la profonde tristesse. Celle d’Antoine viens d’un profond sentiment d’abandon vis-à-vis de son frère, ce sentiment est notamment l’élément déclencheur de son complexe d’infériorité vis-à-vis de son frère.  
  • Sa difficulté à correctement exprimer ses émotions le rend maladroit, et quelque peu brutal, comme le démontrent ses nombreux “ta gueule, Suzanne”. (1ère partie scène 7 L.23) 
  • Antoine est une personne détruite de l’intérieur, de par les responsabilités qu’il s’est lui-même fixées, mais surtout par l’abandon de son frère qu’il semble sincèrement aimé. Il nourrit à l’égard de son frère un sentiment de culpabilité qui remonte à l’enfance, qui le ronge de l’intérieur, qui lui interdit d’être heureux et qui l’empêche d’exprimer sa souffrance. La rencontre avec son frère lui permet malgré tout à la fin de « vider son sac », de se “libérer” de ce qu’il avait sur le cœur, même si c’était très douloureux. 

 

 

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