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Publié par Victoire

Juste la fin de la pièce II, 4 par Victoire

LOUIS. - Avant d’en finir avec ces retrouvailles, ces retrouvailles, oui.

C’est vrai que je n’étais pas venu depuis longtemps.

C’est vrai, je ne vous connais plus. Et vous non plus.

Vous ne me connaissez plus.

On a sûrement changés.

Comme toi ? Pas vrai, Suzanne ?

C’est vrai, on ne se connaît plus.

 

Je ne vous ai pas dit pourquoi je venais. Si ça avait été un simple dîner de famille, j’aurais pu revenir plus souvent.

J’en conviens.

Effectivement, un repas de famille serait le bienvenu. Simple.

Mais pas ici, pas maintenant. Pas aujourd’hui, et non, pas en ces lieux.

Non, ce n’est pas une visite de courtoisie.

Pour dire bonjour et repartir.

Non, ce n’est pas cela.

Pas pour rencontrer Catherine, la femme d’Antoine, non.

Ou demander comment va la vie ici, à Maman ou Suzanne.

Ou encore Antoine.

Et puis ce n’est pas pour que vous, vous vous demandiez mon état, le courant de la vie que je mène, non.

Ce n’est point cela.

Ce n’est point dans ce but, cet objectif que je viens.

Non, ce n’est pas cela.

Ce n’est pas pour ça.

Alors.

Alors pourquoi suis-je donc venu ?

Je me le demande bien.

Oui. Oui, c’est important. Ce n’est pas chose facile. Pas chose facile à dire.

Non, ce n’est pas évident.

La première fois que je viens depuis longtemps pour vous dire ça.

Une telle chose. Un tel sujet.

Qui va. Qui peut bouleverser votre vie. Votre vision des choses, de moi.

De moi et ma vie. De moi et la suite, plutôt. Ma suite.

C’est dur, compliqué, difficile que de vous annoncer une telle nouvelle, une nouvelle.

Oui, ou juste une nouvelle.

 

Je suis calme et posé.

Ici. Maintenant.

Après tout, ne l’ai-je pas toujours été ? Calme et posé ?

Un homme posé. Oui.

Vous m’avez toujours connu comme ça.

A part, bon, petit. Peut-être.

A part lors des bagarres avec Antoine. Un frère.

Mon frère.

Avec Suzanne, ma sœur, non.

Non, pas vraiment. J’ai toujours, presque, été calme, détendu à ses côtés.

Je pense.

Je pense cela.

Et toi ?

 

Je devais la protéger. Je me disais que je devais la protéger.

C’était un peu comme mon devoir. Mon devoir de grand-frère.

Ces derniers temps, je ne t’ai pas beaucoup protégée.

Je ne l’ai pas beaucoup fait. Je n’ai pas pu. Trop loin.

Trop loin et trop distant.

C’est vrai.

J’ai été distant avec elle. Avec toi.

Avec chacun de vous.

Pourquoi ?

Je ne sais pas, ou plus. Oui, je ne sais plus.

Peut-être par peur. Peut-être était-ce pour cela ? Pour ça ? Mais par peur de quoi ?

Vu que je vous aime.

Chacun de vous.

Maman, évidemment. Depuis toujours.

Et toi aussi,tu m’aimes. Sûrement. Peut-être.

Antoine, aussi.

Je t’aime.

Même si bon, ça n’a pas toujours été facile, évident.

Oui, nous avons eu des différents. De différentes perspectives. Je ne connaissais même pas ta femme. La mère de tes enfants. Que je ne connais pas non plus, encore moins. Catherine.

Tout de même. Quand même.

Et puis Suzanne. Tu le sais. Tu es peut-être la plus sensible. Ou la plus lucide, je ne sais pas. Ce que je sais. C’est que tu es intelligente. Comme ton frère. Pas moi, non. Non, ton autre frère. Antoine. Oui, lui aussi est intelligent. A savoir manier les outils comme de simples jouets. Alors que moi. Ô moi, j’en serais incapable.

Tu peux en être flatté. Ou pas. Comme tu veux. Comme tu le souhaites.

Car je sais que peut-être. Oui que peut-être, ou sûrement, mon jugement ne compte pas. Je dis juste ça.

Peut-être penses-tu que c’est pour être poli ? Que je suis poli ? En te disant ça. Cela. Mais non. Non, je ne suis pas poli. Ce n’est par politesse.

C’est ce que je pense. Mais après tout, qu’est ce que j’en sais moi ?

Je ne te connais plus. Je ne vous connais plus. Et vous non plus.

 

Bon. Je prends du temps. De mon temps. Pour vous l’annoncer. Avec délicatesse.

Enfin, de ce que je pense. De ce que je crois. Non ?

Je veux vous l’annoncer dans le calme. Pour vous ne soyez pas froissé. Heurté. Mais vous allez l’être normalement. De toute façon.

J’y viens.

 

Je suis malade.

 

Oui, en effet.

 

C’est vrai.

 

C’est vrai. Je suis malade. Je voulais vous l’annoncer dans le calme. Voilà qui est fait.

Vous vous posez sûrement beaucoup de questions.

J’ai toujours eu, je pense,

peur.

Peur de la maladie. Du temps compté. De sentir la durée, qui paraît éternelle, se rétrécir. Se raccourcir. Pour ne devenir plus que d’infimes grains de sable dans un sablier. Même si j’essaye. Peut-être. Je ne sais pas. Je ne sais plus.

Même si j’essaye de les garder au creux de mes mains. Ils glissent.

Je ne peux rien faire.

Rien arrêter.

Mon destin est fatal. Comme nous tous me direz-vous.

 

Je vais mourir.

 

Vous devez me haïr que de vous avoir fait attendre si longtemps, lentement. Pour que quand je revienne, je vous l’annonce.

Ma mort prochaine et irrémédiable. Inéluctable.

 

Je vous aime.

 

 

LA MÈRE. - Mon fils.

Mon fils. Je n’ai pas les mots. Je les perd. Je les ai perdus à l’instant. A cet instant.

A l’instant où tu as. Où tu as.

 

ANTOINE. - Mon frère. Je t’aime aussi. C’est vrai que je me débrouille plutôt bien dans ce que je fais. Mon travail. Mon métier. Me semble-t-il.

Je. Je suis touché. Profondément. Au cœur.

Je soutiendrais La famille. Maman, Suzanne.

 

SUZANNE. - Je suis tellement triste. Ça en devient bizarre. Je n’étais pas préparée. Prête. Au choc. Comme nous tous je pense. Comme toi. Comme tu as dû l’être.

Je t’ai à peine retrouvé que tu pars. Déjà.

Pardon. Excuse-moi. C’était maladroit.

 

CATHERINE. - Je te donne de la force.

 

LA MÈRE. - Je viens de remarquer qu’on ne parle que de nous. Nous. Je.

Alors que.

Comment tu vas ? Toi.

 

LOUIS. - Je vais bien. Je suis détendu. Comme je l’ai toujours été.

Je voulais vous le dire. C’est fait. C’est fait, et bien fait. Dans les règles. Dans les normes.

 

SUZANNE. - Tu me manques. Tu me manqueras. A jamais. Comment as-tu fait ? Pour survivre ? Avec cette idée. Cette présence. En toi. A l’intérieur de toi. Qui te dévore encore plus chaque jour ?

 

ANTOINE. - Suzanne !

 

SUZANNE. - Je suis idiote. Ridicule. D’une maladresse ! Je suis horrible ! Méchante !

 

LOUIS. - C’est normal.

C’est normal d’avoir ces questions.

C’est difficile. On apprend. On sait. On profite.

Je voulais vous voir. Vous voir tous. Chacun de vous. D’entre vous.

Ça me tenait à cœur. Aux tripes.

J’en avais besoin. Tellement.

Je me sentais seul. Apeuré. J’avais peur. Oui, peur. Je crois bien.

Car je le sais. Que c’est la fin. Que ça finira un jour. Bientôt.

 

ANTOINE. - On t’accompagnera. A chaque moment. Tous les jours.

On va t’aider. Comme on le fait. Comme on l’a toujours fait. N’est-ce pas ?

Dans la famille. Dans notre famille. La nôtre.

Tu as été fort. Courageux.

Tu as su nous le dire. Comme il le faut. Comme il le fallait.

Ça défile. Le temps défile. Mais nous sommes là. On est là. Ne t’inquiète pas.

 

CATHERINE. - Je suis enchantée de t’avoir rencontré. Tu es un homme charmant.

Plein de qualités. Je n’ai pas eu le temps de voir tes défauts.

 

LA MÈRE. - Comme le dit Antoine. Si bien d’ailleurs. D’une façon calme et posée. Comme toi. C’est marrant. Comme vous n’avez jamais été pareils. Similaires.

On t’aidera. On te soutiendra. Tu peux compter sur nous. Tous.

 

SUZANNE. - Et moi aussi !

Et moi aussi.

Tu le sais. Nous t’aimons, comme tu nous aimes. Comme tu nous l’as dit.

A notre façon. Chacun d’une manière. Différente.

Je t’aime.

Je ne veux pas te voir partir. Non. Je ne veux pas. Je ne le souhaite pas.

Mais je n’ai pas le choix.

Je n’ai pas le choix. La possibilité de changer les choses.

C’est comme ça. Je n’ai pas à décider. Je ne décide pas.

Je te dis ça. Alors que toi non plus. Tu ne peux pas décider.

J’ai une idée.

Tu peux décider par contre, si tu le désires.

De rester avec nous ? Pour quelques instants.

Jours, semaines, mois, ou encore années. Si tu veux.

Tu sais qu’il y a toujours ta chambre. Ta chambre d’enfant. Elle est inoccupée. Depuis que tu es partis.

Ça nous ferait plaisir. De partager cela avec toi. Des petits instants de bonheur.

Du bonheur. Tout court.

 

ANTOINE. - C’est vrai que c’est une bonne idée. On pourra passer te voir. Chez maman. Comme lorsqu’on vivait ensemble. Tous ensemble.

 

CATHERINE. - Tu pourras voir les enfants ! Les rencontrer. Ils seraient ravis.

De découvrir un oncle. Un tonton. Vous. Ou toi. Une nouvelle personne de la famille.

 

ANTOINE. - Il n’est pas si nouveau que ça, Catherine. C’est mon frère. Il a deux ans de plus que toi. Quand même. Non ? Non, ce n’est pas un nouveau membre de la famille. C’est toi le nouveau membre de la famille pour lui.

Passons.

 

LA MÈRE. - Calme toi Antoine. Tu étais si posé tout à l’heure. Et puis là. Doucement.

 

LOUIS. - Ce n’est rien. C’est vrai que je serais un nouveau membre de la famille pour les enfants. Vos enfants. J’ai hâte. C’est vrai. De les rencontrer. D’apprendre à les connaître.

Oui, ce serait bien.

Cela ferait du bien.

 

SUZANNE. - Alors, tu restes ?

 

LOUIS. - Sûrement.

Quelques nuits encore.

Je ne sais pas combien de temps.

 

LA MÈRE. - Je suis ravie. Tu ne peux pas le savoir. Tu ne peux pas imaginer. Vraiment.

Un plaisir. Un bonheur. Que de t’avoir avec nous. Encore un peu plus.

 

SUZANNE. - Tu vas redécouvrir la maison. Ta maison. Avec tes habitudes. C’est drôle.

 

LOUIS. - Merci. Merci pour tout. Merci d’avoir été là pour moi, avec moi.

D’avoir réagi comme vous l’avez fait.

 

SUZANNE. - Ce n’est rien. C’est normal. En famille.

 

LOUIS. - Merci. Je vais mourir, partir, à vos côtés. Je vous aime.

 

Juste la fin de la pièce II, 4 par Victoire

J’ai choisi d’écrire cette scène ainsi afin de retranscrire pour le mieux le style d’écriture de l’auteur, Jean-Luc Lagarce.

La longue tirade de Louis lui a permis d’évoquer ses sentiments et ses émotions comme la peur et la solitude. Il a évoqué les sentiments qu’il éprouvait envers chacun des membre de sa famille. De leur dire qu’il les aime. Tout au long du texte, il reste calme même si c’est très long et qu’on s’y perd de plus en plus jusqu’à ce qu’il délivre sa nouvelle : qu’il va mourir prochainement.

Ensuite, lors des réactions des personnages, j’ai choisi d’effacer un petit peu Catherine, qui passe à côté du sujet. C’est comme si elle était absente et qu’elle intervenait quand elle voulait, qu’elle réapparaissait le temps d’un instant.

J’ai essayé de garder les façons de parler des personnages : Antoine qui blâme Suzanne et Catherine même s’il les aime. De plus, on découvre une belle facette du personnage, assez calme et tendre, qui est touché par la nouvelle.

La Mère n’est pas beaucoup présente non plus, elle est certes bouleversée mais n’a cependant pas grand-chose à dire.

Suzanne est touchée et donc elle est maladroite. Elle est heureuse qu’il reste un peu à la maison pour qu’elle puisse le redécouvrir avant qu’il parte.

Louis répond aux questions et calme la situation comme à son habitude. De plus, lorsqu’il remercie sa famille, c’est comme s’il remerciait le public aussi de l’avoir écouté, d’être resté jusqu’au bout.

 

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