Juste la fin de la pièce II, 4 par Helios
Scène 4
LA MÈRE. - Louis ? Louis ?! Tu reviendras ?
Bientôt ?
Revenir pour ta sœur, pour ton frère, pour ta belle-sœur, pour tes neveux,
revenir pour moi.
LOUIS. - Oui et bien, je voulais vous dire, à condition
qu'Antoine soit calme, qu'il ne s'énerve pas,
que Suzanne ne s'affole pas,
que toi maman tu ne t'effondres pas,
que Catherine...
ANTOINE. - Mais c'est bon, tu peux nous le dire !
LOUIS. - Je ne vais pas passer par quatre chemins,
tourner autour du pot...
ANTOINE. - Abrège ! t'as jamais su aller à l'essentiel ! Tu sais, petit déjà tu ne disais les choses
qu'à moitié.
souviens-toi de...
LOUIS. - Je suis malade !
ANTOINE. - Ben qu'est-ce qu'il y a de grave ?
Nos fils, tes neveux avaient la grippe il y a trois semaines
et ça ne les a pas tués.
LOUIS. - Ben moi si !
ANTOINE. - QUOI ?!!
LA MÈRE. - C'est une blague !
Il rigole !
rassure-nous, tu plaisantes quand tu dis ça, hein ?
LOUIS. - Non.
SUZANNE. - Comment ça "Non." ? tu es en train de dire que mon grand frère, mon frère aîné,
qui a été absent pendant des années,
tellement longtemps que je le connais à peine,
est revenu nous voir,
voir sa famille, sa mère son frère sa belle-sœur et sa sœur,
pour leur dire
qu'il est malade, qu'il va mourir,
et repartir comme si de rien n'était,
comme si nos pensées, nos sentiments, nos âmes n'en avaient rien à faire,
comme il l'a toujours fait !
ANTOINE. - Je peux pas y croire,
aujourd'hui, le jour de ton retour parmi nous,
le jour où je te dis tous tes torts, je te reproche ta vie, je te fais ton procès,
est le dernier souvenir que tu auras de moi,
quelqu'un de fatigué, de brutal, d'atroce, de méchant
et je suis presque sûr que tu l'as fait exprès !
LA MÈRE. - Toi, mon fils, que j'ai aimé, qui est parti, que j'ai cru perdre et qui un jour me revient enfin.
Toi, mon fils, qui a fui sa famille et sa mère,
qui a fui ses terres pour aller à la ville,
qui n'a jamais été très attaché à ses proches.
Toi, mon fils, tu vas mourir !
Je ne peux pas y croire ! comment je peux croire ça ?
Comment une mère peut le penser, l'imaginer, le concevoir, y croire ? Je n'y crois pas !
Rassure-moi, dis à ta mère que ce n'est pas vrai, que c'est une mauvaise blague, une boutade, un gag,
mais que c'est faux !
LOUIS. - Je te vois peu émotive, Catherine, quelques larmes,
à peine,
mais de toute façon tu ne me connais pas vraiment
et les enfants ne me savent même pas leur oncle,
alors je comprends.
CATHERINE. - Mais si, je suis triste ! Comment pouvez-vous penser cela ?
Le frère de mon époux, mon beau-frère, l'oncle de mes enfants va mourir, et ni moi ni eux ne le connaissent.
LOUIS. - De toute façon, je mourrai,
il est peut-être même mieux qu'ils ne me voient pas,
afin de garder, de préserver
leurs larmes pour leurs malheurs et surtout leurs plus grandes joies,
que je souhaite nombreuses.
Enfin, quoi qu'il en soit, je vais mourir
et je tenais à,
pour la dernière fois,
voir le frère qui avec moi a grandi et qui à partir de notre famille a su en construire une où il serait le père,
voir la sœur que j'ai dû quitter encore enfant et que je retrouve adulte et curieuse, avide de voir le monde comme je l'étais pour m'en aller à la ville,
voir enfin ma mère qui m'a élevé et accompagné sans comprendre ma fascination pour le monde.
Ceci dit, je vais mourir et je tenais à vous le dire
avant de partir.
SUZANNE. - Mais alors, tu ne veux pas rester pour dîner, et dormir,
et la semaine ?
Je veux apprendre
à te connaître,
apprendre ton monde,
avant,
avant qu'il ne disparaisse.
LA MÈRE. - Oui, et puis ta maman se souvient encore des plats que tu aimais tant,
et ta sœur a appris à cuisiner d'excellents gâteaux
et elle a plein de choses à te montrer
et à t'apprendre.
ANTOINE. - Et nous, on pourra repasser, avec les enfants cette fois, pour qu'ils voient enfin leur oncle,
et que leur oncle les voie.
Il nous reste encore tellement de choses à nous dire.
LOUIS. - Vous savez, j'aimerais tellement pouvoir
mais je dois rentrer, j'ai du travail mais je vous appellerai,
je vous écrirai,
je ne peux pas rester, je veux pas que vous vous attachiez car je ne veux pas me dire
qu'un jour prochain vous pleurerez,
que sur vos joues s'écouleront des larmes, des sanglots, des cascades
pour un fils peu présent,
un frère absent
et un oncle inexistant.
Alors, dans cette écriture de la scène 4, j'ai voulu donner à Louis un aspect d'abord de victime des persécutions du monde, mais malgré tout l'aspect d'un personnage observateur et qui réfléchit. J'ai essayé de lui faire accepter la fatalité de la mort et ses conséquences et enfin, je lui ai donné un certain éloignement de sa famille dans la dernière tirade (à noter le dernier mot 'inexistant' ).
Ne pouvant pas réellement changer le caractère de Antoine ni de la mère (qui comme son nom l'indique, est dans cette pièce mère avant d'avoir une identité), j'ai essayé d'exagérer encore leurs traits.
N'ayant pas de nombreuses informations sur Suzanne et encore moins sur Catherine, j'ai donné à ces personnages un comportement qu'on considère 'simple' de par la logique de leur caractère vis-à-vis de Louis et les ai fait peu parler.
Enfin, j'ai essayé, comme dans l'interprétation que j'ai eue de la lecture, de donner une place importante au 'soi' de chaque personnage.
Présentation - Juste la fin de la pièce - i-voix
Nous n'avons fait jusqu'ici qu'interpréter la littérature, il s'agit maintenant de la transformer. L'activité critique consiste à considérer les œuvres comme inachevées. je décidai de retou...
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