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Publié par Vivien et Helios

La façon dont le capitaine va essayer de trouver son Eldorado est similaire à la mienne : chercher à comprendre les autres cultures, isoler les préjugés de ses pairs et aller voir « l'autre monde » de soi-même et en soi-même .

Je pense que c'est même le lien entre nos écrits, tous les hommes sont égaux malgré leurs différences de cultures.

Essai de conversation par Vivien et Helios

Michel de Montaigne était en train de terminer d'écrire le chapitre VI du livre III de Les Essais autrement dit Des coches quand il prononça à voix haute :

  • Ahhhh.., lire délivre !

Et sans s'en rendre compte, il prononça une formule magique au même moment qu'un auteur qui nous est contemporain : Laurent Gaudé.

Alors ce dernier subit un voyage temporel et se retrouva dans la bibliothèque du château de Montaigne, face à lui !

En voyageur temporel accompli, Gaudé ne se balade jamais dans le temps sans son dernier ouvrage pour en discuter. En voyant cette fois le grand auteur qu'est Montaigne, Gaudé fut pris d'une joie qu'il ne connaissait pas, puis prit le temps d'expliquer ce qui venait de se passer à cause de sa joie. Il l'invita à lire son livre Eldorado dont il était particulièrement fier et lui demanda s'il pouvait lire ses Essais sur Des canibales et Des coches, ses préférés. Après une lecture attentive chacun de son côté, ils se retrouvèrent et entamèrent une conversation des plus intéressantes que je m'en vais vous conter :

Essai de conversation par Vivien et Helios
  • Montaigne : Tout d'abord, je voudrais vous dire que j'ai beaucoup apprécié la narration de deux points de vue différents, opposés même, ainsi que cette vision de l'Eldorado qui est propre à chacun.

  • Gaudé : Je vous remercie, je dois avouer qu'il était difficile de confronter deux idéaux si éloignés et pourtant si évidents dans un même ouvrage. Si je m'arrête sur le premier essai que j'ai lu, soit Des cannibales, je le trouve intéressant car il compare les deux mondes : l'ancien et le nouveau, sans sembler avoir de préjugés qui puissent fausser la pensée et il me rappelle assez le point de vue du protagoniste Salvatore Piracci car il va lui aussi se révolter contre la façon dont on traite les étrangers en l'Europe, soit les cannibales du nouveau monde à cette époque ou les barbares chez les Grecs et Romains.

  • Montaigne : Je vous rejoins ici, car la façon dont le capitaine va essayer de trouver son Eldorado est similaire à la mienne : chercher à comprendre les autres cultures, isoler les préjugés de ses pairs et aller voir « l'autre monde » de soi-même et en soi-même, et non par le biais d'autrui. Je suis plutôt d'accord avec lui car malheureusement comme aujourd'hui, l'Europe se voit supérieure et va avoir des idées fondées sur cette supériorité, et par conséquent on croit que l'Afrique ne se développe que dans le troc parce qu'on l'a entendu ou imaginé et on ne cherche pas à vérifier si cela est vrai, au contraire on va parfois déformer cette vérité pour qu'elle coïncide avec les idées préétablies et conserver cette supériorité idéale.

  • Gaudé : Mais alors me vient une question, dites-moi, vous qui avez étudié et raconté les us et coutumes de ces « cannibales », Pourriez-vous vous en aller vivre parmi eux ?

  • Montaigne : Cette question est fort intéressante, et je pense tout de même que non. Étant donné que je suis de culture européenne je pense que j'en serais incapable malgré ma fascination pour ces peuples car je me sentirais seul à penser et j'aurais besoin d'un traducteur, cependant l'idée ne m'était jamais venue à l'esprit malgré ma curiosité, et me fait songer à peut-être inviter ces gens à vivre ici en ma compagnie. Cette interrogation est importante car elle permet une reconsidération de notre personne et alors je m'en vais vous la retourner, pourriez-vous faire le même voyage que Salvatore Piracci ?

  • Gaudé : Voyez, je me suis déjà demandé ceci en écrivant cette partie de mon roman, je pense que j'ai fait vivre Salvatore Piracci avec une part de moi qui n'a jamais su franchir ce pas, donc j'ai manqué de courage pour découvrir l'inconnu. Maintenant j'ai écrit un roman contenant deux récits et j'aimerais parler avec vous du second, où Soleiman est protagoniste, dites-moi quel fut votre passage préféré et pourquoi ?

  • Montaigne : Je vous réponds tout de suite mais avant, puis-je vous offrir un verre d'un vin de cette année, il y a même des gâteaux salés.

  • Gaudé : J'accepte volontiers cette proposition, merci beaucoup !

Montaigne tape alors dans ses mains et quelques secondes après un domestique arrive. Il s'enquiert des souhaits de son maître et, à peine trente secondes plus tard, la commande arrive et Montaigne se retrouve, avec Gaudé, servi.

 

Essai de conversation par Vivien et Helios
  • Montaigne : Je suis d'accord, j'ai même personnellement préféré ce second récit car il aborde un point dont on ne parle pas en mon temps : celui de l'Autre, du cannibale, du barbare ou tout simplement celui qui n'est pas des nôtres. Je crois que mon passage préféré est celui de l'assaut, l'assaut maudit je l'appellerais, car si j'ai bien compris, il met en scène plusieurs personnages qui essayent de passer en Espagne pour être considérés enfin comme des hommes et non des animaux comme ils l'étaient jusqu'ici et lors de cet assaut, ils se battent pour espérer devenir des hommes et alors cette scène est émouvante car même s'ils sont tous égaux, on comprend que certains périront malgré leurs efforts et que très peu réussiront ce rêve qui semble presque impossible, atteindre leur Eldorado si j'ai bien compris. Mais pour vous reprendre, moi aussi j'ai écrit deux essais, et vous n'avez surtout parlé que du premier, alors laissez-moi vous questionner, qu'avez-vous pensé de mon dernier essai ? Est-ce que les idées que j'aborde sont toujours d'actualité à votre époque ?

  • Gaudé : Et bien, ce n'est pas pour vous vexer mais j'ai trouvé cet essai particulièrement complexe à lire car il n'y a pas vraiment de transitions entre vos idées et parfois on passe d'une idée à l' autre sans s'en rendre compte. En revanche, même si la lecture était hardie, elle n'en était pas moins plaisante et alors, malgré le changement de contexte qui arrive sans vraiment le comprendre, je pris beaucoup de plaisir à lire votre pensée, de par sa diversité allant des Perses aux cannibales en passant par les Grecs mettant toujours en valeur une idée qui leur est souvent propre en nous invitant alors à une reconsidération de nos mœurs, ce qui est un point fort de votre façon d'écrire. D'ailleurs, bien que nous soyons séparés de quelques siècles, en mon temps encore vos écrits font réfléchir partout où ils sont lus, vous êtes même à l'origine d'un genre littéraire qui marque l'Histoire.

  • Montaigne : Vous m'en voyez flatté. Dites-moi, pour vous quelle leçon doit-on tirer de votre ouvrage et comment résumeriez-vous ces deux essais en quelques mots?

  • Gaudé : Je pense que mon ouvrage doit frapper les lecteurs de la violence que l'on ignore ou considère normale, leur rappeler que nous sommes égaux. Vos essais nous disent que, malgré une culture différente, une façon de vivre et de diriger un peuple peu commune, et même malgré des valeurs inexistantes : les européens sont décrits pleins de défauts comparés aux cannibales qui ne les connaissent pas ; nous sommes tous égaux. Je pense que c'est même le lien entre nos écrits, tous les hommes sont égaux malgré leurs différences de cultures. C'est sur cette note que je dois vous laisser car si je ne retourne pas à mon époque je resterai bloqué dans celle-ci. Je vous salue et ce fut un plaisir pour moi, LIRE DÉLIVRE !

Et c'est alors que Laurent Gaudé disparut en laissant à sa dernière amitié son œuvre que Michel de Montaigne garda comme un trésor, et rangea ce dernier parmi ses œuvres les plus chères et pour débarrasser les coupes, appela le domestique.

Toutes les images ci-dessus sont des montages personnels

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