Essai de conversation par Maëlyss
Les génocides que nous avons commis ou couverts peuvent être considérés comme du cannibalisme sous une autre forme bien plus épouvantable. Nous ne pouvons pas nous permettre de juger quand encore aujourd’hui nous faisons bien pire.
Avez-vous vu qu'il y a un blog de jeunes lycéens de Brest qui parle de nous et de nos œuvres ?
CONVERSATION IMAGINAIRE
GAUDE – MONTAIGNE
Montaigne : Se levant pour serrer la main à Gaudé.
Bonjour, c'est un honneur de vous rencontrer, j'ai fait un long voyage pour venir au XXIème siècle comme les personnages dans nos livres ahahah. Je ne connais guère votre parcours : pouvez-vous m’en dire un peu plus ?
Gaudé : Le saluant, il commence à se présenter.
Bonjour et bienvenue au XXIème siècle ! J’ai étudié les Lettres Modernes et Études Théâtrales à Paris, puis à 24ans, j’ai commencé à écrire des pièces de théâtre comme « Pluie de cendres » assez connue qui a été traduite et jouée en Allemagne ou encore ma première « Onysos le furieux ». En tout, j’ai écrit une dizaine de pièces de théâtre, j’y consacre mon temps. J’ai également écrit une dizaine de romans comme par exemple La Mort du roi Tsongor qui a pu être reconnu en 2002 et célébré par le Goncourt des lycéens mais aussi par le prix des Libraires. J’ai reçu le Lauréat du Goncourt en 2004 grâce au livre Le Soleil des Scorta qui après a été traduit en 34 langues. Également, j’écris des recueils de nouvelles en collaboration avec des photographes.
Montaigne : Et bien bravo, je vous félicite, vous avez un très beau parcours et je présume que ce n’est pas fini et que vous avez encore de beaux romans et pièces de théâtre à nous faire découvrir.
Gaudé : Bien évidemment. Parlons un peu de vous M. de Montaigne, j’ai beaucoup apprécié de lire vos essais et je m’y suis totalement retrouvé dedans. Vous m’impressionnez, dénoncer la société européenne, dire que ce sont EUX les barbares et non les indigènes à votre époque en plus, vous ne blâmez pas les mœurs de ces étrangers au contraire vous en faites éloge. A contrario, vous accusez implicitement les travers et mauvaises conduites des européens, bravo. Vous êtes pour moi un philosophe des lumières d’un autre siècle. Vous êtes fascinant, vous avez deux siècles d’avance sur votre aire. Vous écrivez extrêmement bien, vos idées sont implicites et parfois explicites
Montaigne : Merci beaucoup, j’ai reçu de nombreuses critiques par rapport à ce que je disais dans mon recueil de pensées des Essais. Les européens n’aiment pas que l’on vienne contredire ce qu’ils disent, ou même simplement donner son opinion et dire nos pensées. Surtout en notre période où les religions se divisent sensiblement avec l’arrivée des protestants même si la société chrétienne reste la majorité. De plus, il y a les Humanistes dont je fais partie et qui placent l’être humain au centre de la pensée et du monde. Pour revenir à ce que je voulais vraiment dire, je me suis aussi bien retrouvé dans votre livre, nos livres ont un sujet en commun : comment les européens voient le reste du monde ?
Gaudé : Exactement, dans les deux livres nous avons expliqué implicitement comment les européens voyaient les étrangers, donc dans mon cas les immigrés, et vous les amérindiens. Puis, nous avons démontré que leur préjugés étaient totalement faux et que dans le fond c’étaient eux les méchants : cannibales en détruisant les terres, féroces avec les migrants qui arrivent en Europe… Vous êtes allé à la rencontre des peuples amérindiens pour écrire les Essais ?
Montaigne : Je ne suis jamais allé chez les peuples amérindiens dans le « Nouveau Monde », j’ai écrit seulement grâce à des articles, livres qu’il y avait sur eux mais aussi à la rencontre que j’ai fait à Rouen de 3 indigènes. Vous, Gaudé, quel était le but d’écrire ce livre, il veut dénoncer quelque chose ?
Gaudé : Le but était de faire réfléchir les gens sur l’immigration, et les conditions de vies clandestines pendant leur voyage vers l’Europe. Je voulais montrer la partie sombre, celle qui est cachée par les médias comme par exemple les passeurs qui abandonnent les migrants en plein milieu de la mer sans ressources pour survivre. Qu’en avez-vous pensez de mon livre ?
Montaigne : Eldorado est un roman très réaliste, avec des personnages très touchants comme Soleiman qui quitte son pays avec son frère Jamal pour rejoindre l’Europe mais que pendant le chemin Jamal étant souffrant laisse Soleiman finir seul le périple. Vous avez utilisé un vocabulaire simple mais puissant et magnifique : « il tire comme s’il voulait me démembrer », « mon corps est assailli de douleurs » , « il était une flaque qui ne tarderait pas à prendre feu» ou encore « je suis passée pour une jambe cassée ». Ce vocabulaire montre l’atroce douleur que les migrants sont prêts à subir pour fuir leur pays, une triste réalité… J’ai bien aimé le fait qu’il y ait deux histoires écrire en alternant à chaque chapitre. Votre choix est très judicieux, grâce à ça on nous raconte deux points de vus totalement différents qui viennent de milieu différents, cela nous fait encore plus réfléchir et nous poser des questions.
Je voulais vous poser une question qui porte plus sur mon livre, pour vous, doit-on accepter toute pratique, comme le cannibalisme, au nom du relativisme culturel ?
Gaudé : Pour moi, tout être humain est libre : libre de penser, libre de parler, libre de bouger, libre de faire ce qu’il veut tant que ça ne vient pas déranger la liberté de quelqu’un d’autre. D'après une citation de Charles De Gaulle:"A la base de chaque civilisation, il y a la pensée de chacun dans sa pensée, ses croyances, ses opinions, son travail, ses loisirs.". Chaque société, chaque culture a des pratiques et usages totalement différents et qu’il faut s’interdire de juger. Chez eux, ils pratiquent le cannibalisme, je ne dis pas que je suis totalement d’accord avec cette pratique mais nous, les européens nous faisons pire : au 20ème siècle, pendant la 2ème guerre mondiale et sans compter « l’excuse » de la guerre, il y a eu énormément de génocides comme celui des arméniens ou encore celui des Tutsi en 1994, il n’y a même pas 30ans ! Pour moi, les génocides que nous avons commis ou couverts peuvent être considérés comme du cannibalisme sous une autre forme bien plus épouvantable. Nous ne pouvons pas nous permettre de juger quand encore aujourd’hui nous faisons bien pire.
Montaigne : Encore à mon époque ce que les Européens font est largement plus grave que du cannibalisme car pour préciser, ils ne mangent que leurs ennemis, ceux qui ont essayé de s’emparer de leurs terres ou avec qui ils ont eu un conflit. Les Européens font de la vente d’esclaves, des personnes qui n’ont rien fait sauf peut-être qu’ils sont simplement nés en ayant une couleur de peau dite « différente » et pas dans leur norme. Enfin bref, j’espère que les mentalités évolueront avec le temps. Sinon, question : Pourquoi avoir appelé votre livre Eldorado et pourquoi avoir choisi cette mise en page si neutre et si simple?
Gaudé : Si vous ne le saviez pas, l’Eldorado définit un pays légendaire d’abondance et de délice, synonyme du paradis, de l’éden. L’Eldorado peut représenter les meilleures conditions de vie, ou encore les rêves de Soleiman. De plus, c’est un mot simple, quand on voit le livre, on lit en premier Eldorado, nous avons déjà une piste sur le sujet du roman. Par ailleurs, la couverture aussi neutre et simple comme vous le dites a été choisie comme ça pour faire ressortir le titre et puis je ne sais pas si vous avez lu d’autres livres que j’ai écrit mais mes couvertures de romans sont à chaque fois très simples et assez explicites. De même, dans les deux histoires, les deux personnages n’ont rien, juste quelques billets pour payer leur traversée, donc pas de quoi en faire des tonnes sur la page de couverture. En effet, là, nous comprenons direct par le titre plus la plage plus les couleurs choisies que ce n’est pas une histoire drôle ou féerique. Si vous deviez retenir une phrase de mon livre ce serait laquelle ?
Montaigne : La phrase de votre roman qui m’a marqué est une phrase dans le premier chapitre « C’est la vengeance qui m’a tenue debout ». Cette phrase est vraiment très puissante, percutante mais aussi contestable. Quelle que soit la raison, quand on a un but dans la vie on est capable de tout pour arriver à nos fins. On passera par des moments plus difficiles que d’autres mais si nous sommes motivés, nous pouvons tout traverser et puis réussir. Et dans votre roman, cette phrase est très forte, c’est la femme qui a perdu son bébé qui dit ça à Piracci mais je pense que tous les migrants pensent ça surtout après s’être fait abandonnés par les passeurs. De plus, dans tout le livre, dans les deux histoires, les personnages restent forts du début à la fin et abandonner ne leur a jamais traversé l’esprit. Au contraire, il y a même eu de l’entraide pour aider ceux qui avaient plus de mal et qui n’allaient pas assez vite.
Une dernière question, Gaudé,, quel sont tes futurs projets ?
Gaudé : Alors en ce moment, je suis en pleine écriture d’un nouveau roman qui je pense va vous plaire. J’aimerai être reconnu encore plus dans le monde entier et puis ce qui m’enchanterait vraiment ce serait de faire un film sur un de mes livres, en particulier Eldorado. Je pourrais toucher encore plus de gens sur un sujet qui me tient extrêmement à cœur avec un public différent comme peut-être une population plus jeune et je trouverais ça formidable. Et puis il faut que tout le monde sache la vérité sur les migrants et comment ils sont traités par les européens ; il faut aussi que les plus jeunes le sachent car c’est le monde qu’on leur laisse : un monde dur et sans merci.
Montaigne: Merci beaucoup pour le temps passer à discuter j'ai énormément apprécié. Toute mes salutations mon ami.
Gaudé: J'espère que notre conversation pourra améliorer notre époque à chacun et ouvrir les esprits :).
Attendez, attendez ! Avez-vous vu qu'il y a un blog de jeunes lycéens de Brest en France qui parle de nous et de nos œuvres ?
Montaigne: Ah non pas du tout, je ne sais même pas comment utiliser un ordinateur ni comment le nommer.
Gaudé: Ce site s'appelle i-voix et les lycéens écrivent plein d'articles très beaux. Les derniers en date parlaient de citations qu'ils avaient prises dans nos œuvres.
Montaigne: Ému, il demanda à Gaudé de le lui montrer
C'est vraiment touchant qu’au XXIème siècle on pense toujours à mes œuvres et qu'on les étudie !
Il faut à présent que je reparte vraiment. En espérant vous revoir prochainement mon cher ami.
Présentation - Essais d'appropriation - i-voix
" On ne cesse de criailler à nos oreilles d'enfants, comme si l'on versait dans un entonnoir, et notre rôle, ce n'est que de redire ce qu'on nous a dit. Je voudrais que le précepteur corrigeât ...
http://i-voix.net/2020/09/presentation-essais-d-appropriation.html