Essai de conversation par Marie
Montrer que le barbare est bien l’Occidental qui a corrompu tout un monde.
Aujourd’hui, le fait de pouvoir voyager grâce à de nouveaux moyens de transport et de partage numérique permet de se mélanger et de découvrir plus facilement de nouvelles cultures
J’ai eu du mal à m’habituer à votre nouvelle version du français qui était auparavant une langue bien plus majestueuse !
Conversation imaginaire
entre Michel de Montaigne et Laurent Gaudé
Michel de Montaigne : en noir
Laurent Gaudé : en rouge
- Enchanté, je suis enthousiasmé de faire votre connaissance ! Bienvenue au seizième siècle, j'espère que votre voyage dans le passé s'est bien déroulé. Sachant que nous n’avons pas écrit durant la même époque, j’ai hâte de découvrir ce qu’un écrivain du 21ème siècle peut bien penser de mon œuvre Des cannibales et Des coches.
- Bonjour, je suis tout aussi heureux de vous rencontrer. En tant qu’écrivain moderne, je me pose également beaucoup de questions par rapport à votre roman : Eldorado.
- Et bien veuillez commencer, je vous donne la parole.
- Tout d’abord, pouvez-vous me justifier le choix des titres de vos essais humanistes ?
- Comme vous avez du le remarquer, l’essai Des cannibales traite de l’anthropophagie exercée par les peuples du Brésil. C’est un choix que j’ai fait de mettre en avant l’aspect le plus choquant de leurs mœurs. C’était aussi pour moi l’occasion de montrer que le barbare est bien l’Occidental qui a corrompu tout un monde. Le titre Des coches lui, n’est pas directement en accord avec l’histoire racontée, c’est à dire la description de la rencontre des Espagnols et des Indiens. Ce titre renvoie au grand bateau servant au transport des personnes, mais il cache aussi des critiques ! Critique de la politique des rois et de leurs dépenses et critique de la conquête coloniale.
- Très intéressant, vous venez de m’éclairer sur certaines choses auxquelles je n’avais pas prêté attention.
- C’est vrai que le second titre est déconcertant lors de la première lecture car il ne semble pas être en rapport immédiat avec l’œuvre. Et vous, pourquoi avez vous intitulé votre merveilleux roman Eldorado ? Alors qu’il pourrait être nommé « Le choix d’une vie » ou bien « Voyage mortel ».
- C’est un choix personnel. Je trouvais ce titre beau, l’Eldorado est un endroit qui fait rêver et qui décrit donc le lieu que veut atteindre chaque migrant, c’est à dire l’Europe. Je vais vous expliquer sa signification. Eldorado est un lieu imaginaire, c’est une contrée mythique supposée regorger d'or. On rencontre ce mot pour la première fois dans le chapitre 5, vous en souvenez-vous ?
- Oui parfaitement, c’est le chapitre "le cimetière de Lampedusa" où Salavatore Piracci, l’un des deux personnages principaux, après des événements marquants, vient réfléchir devant des tombes de migrants et y rencontre un homme.
- Effectivement, cet homme lui définit l'Eldorado :
"L'herbe sera grasse, dit-il, et les arbres chargés de fruits. De l'or coulera au fond des ruisseaux, et des carrières remplies de diamants à ciel ouvert réverbéreront les rayons du soleil. Les forêts frémiront de gibier et les lacs seront poissonneux. Tout sera doux là-bas. Et la vie passera comme une caresse".
Cette définition nous fait penser au jardin d’Éden, à un endroit magique. On peut donc en déduire que l'histoire de mon roman tourne autour de la recherche d'un idéal mais que celui-ci ne sera qu'une illusion car l'eldorado n'est qu'un mythe.
- Cela ressemble en quelque sorte à ce que les européens peuvent penser du Nouveau monde. On peut constater que nos œuvres ont un point commun. Les européens pensent savoir comment sont les sociétés primitives. Ils se font une certaine image d’elles d’après les récits et des navigateurs occidentaux qui y sont allés. Les européens les voient comme des animaux, des cannibales, des personnes différentes de l’être humain alors que nous sommes tous égaux !
- Je suis de votre opinion.
- En parlant de cela, l’ouverture aux autres, la tolérance ont-elles progressé du 16ème au 21ème siècle ?
- Oui, malgré qu’il reste beaucoup d’efforts à faire, la société a évolué.
Au 16eme siècle, le colonialisme et l’esclavage avaient débuté. Il y avait du racisme, les personnes de couleurs de peaux différentes étaient maltraitées. Les peuples colonisés étaient vus comme des animaux. Comme l’explique votre citation dans l’essai Des cannibales « Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage. » Quiconque n’avait pas les mêmes coutumes ou la même religion que soi était jugé, critiqué.
- Tout à fait.
- Aujourd’hui, cela est interdit, le racisme et toute forme de discrimination sont punis par la loi. Le fait de pouvoir voyager grâce à de nouveaux moyens de transport et de partage numérique permet de se mélanger et de découvrir plus facilement de nouvelles cultures. Chacun s’intéresse plus ou moins aux autres cultures et les accepte ou non.
Cependant la population ne fait pas qu’avancer, sur certains sujets tel que l’immigration, elle ne progresse pas, ce qui est bien dommage ! Je trouve que la société moderne n’est pas encore assez mature par rapport à l’ouverture et à la tolérance aux autres.
- Oui, je trouve que votre roman renferme un message fort. Vous démontrez par votre histoire que les frontières sont inefficaces lorsque les hommes sont déterminés à les franchir. Dans votre livre, on voit également l’impuissance des immigrés à sortir de la misère. En effet les habitants des pays d’accueil sont souvent égoïstes et protègent leurs propres intérêts. On comprend que vous cherchez à sensibiliser les lecteurs sur le sujet.
- Je pense que chacun de nos 2 livres lance un même appel d’ouverture aux autres. Mais pensez-vous qu’un ouvrage soit capable d’améliorer le monde ?
- Oui certainement, j’en suis même convaincu, c’est une des raisons pour lesquelles je me suis mis à écrire. Un livre peut faire prendre conscience de certaines choses et faire réagir le peuple ou faire pression sur un gouvernement.
- Nous partageons les mêmes idées, une œuvre peut aider à transformer la réalité et les gens car elle incite à réfléchir .
- Je souhaite également vous demander quel a été votre parcours ?
- Alors, tout d’abord, je suis né en 1972 à Paris. J’ai fait des études de Lettres Modernes et d'Etudes Théâtrales là-bas. En 1997, j’ai publié ma première pièce, Onysos le furieux, à Théâtre Ouvert. J’ai consacré les années suivantes à l'écriture théâtrale. Parallèlement, je me suis lancé dans l'écriture romanesque. Et ainsi, en 2001, j’ai publié mon premier roman. J’ai obtenu plusieurs prix dont celui du Goncourt des Lycéens en 2002 et celui des Libraires. Je suis de plus, auteur de nouvelles, d'un album pour enfants et de scénario, mais j’oublie : vous ignorez ce qu’est le cinéma qui n’a été inventé qu’à la fin du XIXe siècle.
- Quelle aventure ! Mon chemin est bien différent du vôtre.
- Et bien parlez-en moi s’il vous plaît.
- Pour débuter, je suis né en 1533 à Bordeaux. J’ai appris à parler latin très tôt, et suis allé au collège à 6 ans. J’ai été magistrat à 21 ans après avoir fait des études de droit. Mon grand ami a été le poète Etienne de la Boétie. Deux évènements m'ont incité à écrire mes essais : la mort de mon père et celle de la Boétie. Je me suis donc retiré dans mon château, dans ma bibliothèque pour écrire mon principal ouvrage, "Les Essais", jusqu’à la fin de ma vie. Je suis parti en voyage après avoir appris que j’étais atteint d’une maladie. Pendant ce temps j’ai été élu maire de Bordeaux. Je suis catholique et humaniste.
- Merci de m’avoir présenté votre cursus. Pour clore notre conversation, pouvez-vous me dire, si vous avez apprécié mon livre ?
- En toute sincérité, je vous le dis : j’ai apprécié votre œuvre. Elle est composée de deux histoires qui alternent avec différents protagonistes et cela m’a beaucoup plu. Par ailleurs, j’ai pu découvrir le monde à une époque que je ne connaissais pas. J’ai d’ailleurs eu du mal à m’habituer à votre nouvelle version du français qui était auparavant une langue bien plus majestueuse !
- Que puis-je répondre à cela, tant de choses se sont développées et ont changé.
- Bien sûr, le temps change tout. Aujourd'hui d'ailleurs, l'épidémie de la peste s'est répendue à Bordeaux, jamais personne ne l'aurait imaginé.
Revenons-en au fait, je pourrais échanger durant des heures sur la littérature avec vous, mais il va falloir que je vous quitte.
- De même pour moi, j’ai été très heureux de rencontrer un grand écrivain comme vous.
Cela fait plaisir de pouvoir communiquer avec quelqu’un de réfléchi.
Au revoir mon cher collègue.
- Mes respectueuses salutations à vous. En espérant vous revoir le plus vite possible, messire.
Présentation - Essais d'appropriation - i-voix
" On ne cesse de criailler à nos oreilles d'enfants, comme si l'on versait dans un entonnoir, et notre rôle, ce n'est que de redire ce qu'on nous a dit. Je voudrais que le précepteur corrigeât ...
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