Sport - Valladolid : Las Casas entre dans l'Histoire !
Le dominicain, Bartolomé de las Casas, ancien évêque de Chiapas et créateur de l’église de la Vera Paz, s’est hissé en 1550 en finale de la Controverse de Valladolid. Face à lui se dressait le philosophe andalou, Sepúlveda, n°1 mondial en philologie, autant dire que la partie n’était pas gagnée d’avance pour le religieux, il aura fallu quatre jours à ce dernier pour finalement s’imposer au terme match de foot. Retour sur ce match de titans qui bouleversa le monde à jamais.
LAS CASAS PREND L’AVANTAGE EN 1ere PERIODE
La rencontre est arbitrée par le cardinal et légat du tout nouveau Pape Jules III, M. Salvatore Roncieri. La controverse démarre sur les chapeaux de roues. Las Casas fait l’engagement. Dès le début, le dominicain se lance vers le but adverse et enchaîne les frappes cadrées à coup d’arguments portant sur le traitement réservé aux Indiens et notamment sur les massacres perpétrés à leur égard. Il déclare sur ce point, à la suite d’une mimique de Sepúlveda « Oui par millions ! Comme des bêtes à l’abattoir ! ». Et le prêtre de 76 ans peut être serein car il est soutenu par son compagnon de toujours et que l’on ne présente plus, Ladrada. Ce dernier lui offre des occasions en or comme par exemple en se démarquant dans les tribunes où, pour appuyer les arguments de son capitaine, il distribue des dessins au public et à l’arbitre. Malheureusement, pour ce duo de choc, chaque offensive est repoussée par le philosophe. Mais celui-ci a tout de même flanché dans les dernières minutes de la première période en poussant le ballon dans ses cages. En effet, il brise ou plutôt l’arbitre brise son argumentation en le faisant affirmer que les Indiens auraient une âme : « Éminence, je retiendrai d’abord ce point-là. Le salut de l’âme. » « Vous supposez donc qu’ils en ont une ? ».
LE COUP DE MAITRE DE SEPULVEDA
En deuxième période, Sepúlveda se reprend et fait entrer en jeu le franciscain et grand voyageur, le père Pablo. Par un brillant une - deux, il le fait témoigner sur ce qu’il se passe pour lui dans le Nouveau Monde. Grâce à cela, Sepúlveda reprend une légère avance. Rappelons que c’est à l’arbitre que revient la décision du choix du vainqueur et que Salvatore Roncieri est connu pour ne laisser transparaître aucune expression pouvant trahir sa pensée. Les seuls indices se trouvent du côté des spectateurs et de leurs réactions. Par la suite, le philosophe catalan enchaîne les dribbles dans la surface adverse en disant des Indiens qu’ils sont stupides ou encore que leur gastronomie est écœurante. Cela a titillé l’ecclésiastique qui a été poussé à commettre une faute, il déclare : « Vous dites à chaque instant : Dieu guide mon action, il m’aide à tenir mon épée […] Mais ce que je lis derrière ces mots est tout différent. Je lis : Dieu, c’est mon intérêt ! C’est ce qui justifie mes crimes ! ». Roncieri le rappelle à l’ordre avec un carton jaune : la cloche ; et il lui répond avec colère : « Vous allez trop loin ! ». Mais l’action du match vient plus tard dans l’après-midi : Sepúlveda a fait venir une idole aztèque pour juger de la beauté de l’art indien. Le public est en folie. Il a suffi d’une prise d’initiative et Sepúlveda inscrit le plus beau but de sa carrière.
RONCIERI S’EN MÊLE
Le 2nd jour de compétition, la 2eme période débute : Roncieri apporte sa contribution au match et fait entrer sur le terrain, sous la stupéfaction de la foule, quatre joueurs aztèques recrutés à Mexico. La première action de cette 2nde période est un coup de pied arrêté part un des assesseurs du cardinal. Sous les conseils de son coach Roncieri, il détruit l’idole avec une masse. La stratégie du Légat était claire : si les Indiens réagissent, il sortira le carton rouge car ça signifierait qu’ils sont dans le camp de l’hérésie ; s’ils ne réagissent pas, alors la partie pourra reprendre. A cet instant précis, un des Indiens est poussé à la faute mais est retenu par sa coéquipière (qui est aussi sa femme dans la vie de tous les jours), l’arbitre laisse passer pour cette fois-ci mais ne renonce pas. Il effectue son dernier changement et fait intervenir ses deux tous nouveaux attaquants, venus du petit club de Puebla, Ramón et Gustavo. Il leur demande alors d’agir en équipe pour tester l’humanité de leurs adversaires aztèques. Il tacle alors la femme en menaçant de mort le benjamin de l’équipe. Mais la défense de fer de l’équipe, bien que non infaillible (un joueur blessé au visage), a prouvé qu’ils étaient pourvus d’émotions.
UN DÉNOUEMENT INCERTAIN
A la fin du temps réglementaire, les deux adversaires ne semblent pas être départagés. Le légat s’est permis de faire intervenir des bouffons durant la mi-temps pour voir si les Indiens pouvaient rire. Cette fois-ci aucune réaction. Las Casas réclame un arbitrage vidéo en prétendant avoir vu un des Indiens rire mais il lui est refusé par l’arbitre. S’ensuit un jeu violent et hargneux entre le dominicain et le philosophe qui en viennent rapidement aux mains. L’arbitre s’empresse d’intervenir mais dans sa course, il chute en marchant sur une marche trop fragile. Cet évènement a le mérite de ramener l’ordre jusqu’à la fin de la finale.
A la remise des médailles, tous retiennent leurs souffles en attendant la décision de l’arbitre. Mais sans surprise, Las Casas l’emporte et entraîne avec lui la fin de l’esclavage indien. Seul point noir au tableau : la traite négrière commencera à la suite de cette controverse.