Florilège - Livres enrichis 2015-2016 9
Un livre a deux auteurs : l'écrivain et le lecteur.
(Un nom d'auteur peut en cacher un autre :
cliquez sur celui-ci pour découvrir l'écrivain qui a inspiré le texte)
Je musée garçon. Il regard. Nous sourire. Je dehors, lui aussi. La pluie des cordes. Gens vite et beaucoup bruits. Garçon là dans la rue. Moi aussi. Echange regards. Sourire énormément. Bar pas loin. Bavardages, vie, famille, amis, études. Lui Sirius. Moi Cassiopée. Regards de sentiments. Partir, revoir, rire. Moments agréables. On se plus tard. On se baiser. On se amour. Je me ris. Sirius moi regarde. On s'amoureusement.
"C'est bien la pire peine / De ne savoir pourquoi / Sans amour et sans haine / Mon coeur a tant de peine. Moi c'est la colère, l'envie de se mettre nu et de courir sur les routes jusqu'à l'effondrement, la froideur qui mate les membres, la rage déployé."
Moi c'est de ne me sentir ni heureuse, ni triste et de rester là. Simple spectatrice de ma vie, les mots qui fusent dans ma tête, mais qui y restent enfermés pour toujours, oubliés à jamais.
L'image représente le voyage des trois personnages du polyloque : la folle, l'architecte et le passeur. Tous veulent entrer au Royaume des Morts, mais la queue est longue...
Fait divers : une princesse perdue !
Tous et toutes connaissent la pauvre Cendrillon torturée par son affreuse belle-mère devenant une princesse aimée. Mais, tout est chamboulé, les pages tournent trop vite dans l'ordre et le désordre, et voilà notre chère héroïne laissant finalement sa pantoufle au bain turc. Le prince déboussolé ne sait plus que faire. Les pages tournent encore et toujours et voilà le carrosse qui a un accident et Cendrillon dans une casserole avec comme compagnie la citrouille, les souris, le rat et les lézards. Mais, stupeur, les pages s'affolent encore. Voilà maintenant la jeune femme en train de manger ses fidèles compagnons ainsi que la citrouille. Espérons que les livres et les pages retrouvent leur calme et les histoires, leur ordre !
Recherche : Le Général, car celui-ci est lassé des errances. Les dernières personnes à l'avoir vu sont des militaires dans son repère. Il disait qu'il voulait trouver la belle ville et un endroit où poser ses bottes. Actuellement, je suis certaine que Le Général quel que soit le moyen employé, nous voit de là où il est. Il ne veut pas qu'on le retrouve. C'est pourquoi, il défend aussi ce qu'il n'a pas conquis.
L'enfant de poussière
On pouvait le voir marcher à travers les histoires, l'enfant de coton. On pouvait l'entendre chanter le soir, l'enfant de l'amour. On pouvait le croiser à l'ombre d'un mur, l'enfant qui tenait en laisse un petit nuage. On pouvait cueillir son rire, l'enfant cajoleur. On pouvait le sentir survoler les chairs, l'enfant de poussière.
Toujours en pyjama car il était un peu fainéant, il n'aimait pas se presser et préférer rêver de ce qu'il y a derrière le mur. Ce mur si grand. Si haut. Si beau. Si majestueux qu'il était sans cesse gardé et qu'on ne pouvait s'en approcher. Mais quel secret pouvait-il garder ? L'enfant se demandait, ses yeux-fenêtres rivés sur la limite entre la pierre et le ciel. Un petit horizon immobile. Dissimulant tout des oiseaux du possible. Parfois quelques plumes de liberté le dépassaient et tombaient doucement, flottant, glissant sur le vent. Dès qu'il en apercevait une, l'enfant arrêtait tout : de bouger, d'entendre, de penser, de respirer. Son attention entière était focalisée sur ce petit rien venu de loin. Cette preuve que l'ailleurs existe toujours. Il l'admirait. Chaque fibre de ses plumes créait une surface plane et légère, résistant pourtant à toutes les intempéries de la vie. Et sans bruit, la douceur envolée se déposait sur le sol battu que fouleait les pieds de l'enfant. Hésitant, presque timide face au bien perdu d'un être cher, il s'avançait alors vers elle. Et la main tremblante, les genoux manquant de le lâcher à chaque mouvement, il se penchait et la ramassait. Il goûtait alors à la caresse concrète et céleste qui avait bercé un autre enfant avant lui. Et il la rajoutait à son petit nuage qu'il amenait partout avec lui, en secret, son baluchon de souvenirs.
Qui était-il, l'enfant-rêve ? Juste un enfant en pyjama, sans doute, qui se serait égaré à la sortie d'un songe. Il passait et volait et tourbillonnait dans une danse muette. Imitant la plume. Il voyait les choses avec ses yeux d'enfant. Il s'amusait à entasser la neige grise qui tombait sur les zèbres humains puis à courir dedans et VLAN ! Y lancer un grand coup de pied. Et ça commençait comme ça, le moment qu'il aimait. Voir les petites poussières valser autour de lui, dans un tourbillon d'incertitude et de flou artistique. Le voile soulevait troublait sa vision et rendait son autre côté mystérieux et inconnu. Tellement différent. Tellement meilleur. Tellement plus belle la vie que l'on voit à travers un nuage de poussière. Il oubliait tout : d'où il venait, ce qu'il faisait ici, ce qu'il avait vécu. Et il s'inventait et découvrait cette nouvelle vie. Une vie différente dans laquelle il était le berger des nuages. Il s'allongeait alors sous la poussière et rêvait de voir plus haut, pus haut que les flammes et, ainsi, d'être aussi libre que les nuages moutonneux.
Ses bras, ses jambes, son front était de poussière. La peau de ses joues longeaient ses os et dessinaient sur son visage des traits qui n'appartiennent pas à un enfant. Mais ces joues-là était celle d'un enfant-rêve et avait reçu le don d'être relevé de pommette qu'on avait toujours envie de pincer. Ses yeux-lumières, ses yeux-fenêtres donnaient à voir sur du bleu. Quand on s'y plongeait, dans l'océan de ses iris, on pouvait lire la vérité. Oui ! La vérité universelle ! Et quand il ouvrait ses lèvres pâles et sèches, cette vérité parfois éclaboussait les autres. Il était tout petit, tout frêle. Semblait à chaque instant sur le point de s'envoler. Les yeux mi-clos, parfois son calme incitait à surveiller son souffle. Son souffle. Léger et frémissant. Qui, à chaque battements de paupières, subsistait et semblait raviver une flamme intérieure. Si faible. L'étincelle. Avait-il peur, l'enfant de douleur ? On ne sait pas, il a toujours la fenêtre de ses yeux rivés sur l'océan du nuage. Pourtant il sourit, oui, il semble toujours heureux. C'est à cause de ses joues creuses et sales, de son petit nez rond, de ses longs cils. Il réconforte les cœurs et les avenirs quand il passe en courant après un mal que tout le monde sait mais que personne ne peut éviter.
Un jour.
Oh, un jour.
Un jour on a pu le voir prendre la main d'une femme, une femme à peine plus âgée que lui, mais dont le sang battant, le sang rouge, rouge horrifié, avait fait mûrir et vieillir et pâlir et sécher précocement. On a pu, ce jour-là, profiter de la vue de ses racines nues et abîmées s'enfoncer dans la terre et la poussière. Contempler les petits nuages de jeunesse voltiger autour de lui. De son âme de tendresse. Ah ! L'enfant des gens ! Jamais il ne laisse son petit nuage s'envoler !
La femme lui a pris la main, a caressé sa peau sèche, essuyé son front souillé de détresse. La femme l'a conduit, avec ses bras et son sourire maigre, elle l'a conduit jusqu'à un groupe de personne. Festival d'étoiles tombantes, de rayures entassées. Carnaval de chair blessée, de peau morcelée. L'enfant ignore tout. L'enfant est innocent. L'enfant regrette ne pas être assez grand pour pouvoir voire au-delà de ces têtes dénudées de cheveux et d'espoir.
Et puis. Tout s'accélère. On se pousse, se bouscule. On crie, on tombe, on griffe, on accroche. Et le petit enfant perdu dans la masse. Avancer. Ne pas s'arrêter. AH ! Voilà le gardien des nuits froides ! CLAC ! AH ! La nuit est soudainement tombée sur les yeux voilées de l'enfant bleu. Des chuchotements. La peur transpire.
La tension.
Pourquoi est-il le seul à ne pas comprendre ?
Pourquoi ?
Pourquoi personne ne répond à ses questions ?
Pourquoi est-il si serré, lui qui veut tant s'envoler ?
La réponse ? Veux-tu seulement vraiment la réponse, petit enfant en pyjama ?
SHPIIIIIIII !!!!!!!!!!! IIIIIIIIIII !!!!
La voilà la réponse !
Et les cris. Se tordant. Défiant les crucifiés de Francis Bacon. Morbidité.
On suffoque.
Une main s'abat sur le destin et sur la bouche de ce petit et dans une dernière berceuse recueille le souffle de sa vie.
Des particules et des particules. Des petits bouts de morceaux non-identifiés. De la poussière, dit-on, lentement s'élève le long du tunnel. Tourbillonnent les pensées évadées, les idées brûlées. Les cris évanouis. Les animaux enchaînés, persécutés, rejetés. Et l'enfant a bien raison : c'est un spectacle magnifique que de voir miroiter sur ses petites choses volatiles les couleurs et les lumières du monde. Et c'est magnifique de les voir apparaître et disparaître au gré de leur voyage. Et c'est magnifiquement étourdissant de se sentir si grand. Et c'est incroyable de voir un si grand nombre de poussière ne former plus qu'un et de porter le nom commun de nuage. Un nuage. Qui s'est envolé. L'enfant de coton, l'enfant qui tenait en laisse un petit nuage, l'enfant cajoleur, l'enfant de poussière réalise son rêve, libre comme l'air, enfin de poussière, l'enfant s'élève au-dessus d'Auschwitz. A son tour, il vole et danse et valse et virevolte au-dessus des âmes trop lourdes encore pour partir avec lui. Il passe et contemple l'horreur des feux d'Auschwitz. Il s'en va et laisse sans regret un monde de supplice, de suppliciés. L'enfant voyage maintenant avec la fumée noire et il s'élève au-dessus du mur, plus haut que les flammes et au-delà des rêves de nuages.
Il est libre, l'enfant d'Auschwtiz.