Réflexion - Periscope, l'application du mal ?
Periscope,
l'application du mal ?
I- Introduction : définition
"Periscope est une application logicielle pour appareils mobiles fonctionnant sous le système d'exploitation iOS et Android développée par Kayvon Beykpour et Joe Bernstein. Elle permet à l'utilisateur de retransmettre en direct ce qu'il est en train de filmer. Twitter achète cette startup le 13 mars 2015 durant le SXSW, un ensemble de festivals de musique, de cinéma et de médias interactifs se tenant chaque année depuis 1987 au mois de mars à Austin, pour un montant entre 50 et 100 millions de dollars américains." Ainsi l'application est définie sur la page Wikipédia qui lui est dédié. On pourrait, pour compléter, rajouter qu'elle permet à tous les utilisateurs de Periscope de voir la vidéo ou, si la personne qui diffuse en a décidé ainsi, à toutes les followers de son compte Twitter. La vidéo reste en ligne 24 heures si l'onglet "replay" est coché sinon elle est supprimée dès la fin de la diffusion. De plus l'application permet une géolocalisation précise de la personne qui fait ce direct. Les personnes qui le regardent peuvent envoyer des messages, commenter et envoyer des cœurs. L'application a rencontré un succès immédiat, sans doute parce qu'elle permet de devenir un média vidéo sans l'aide de personne en offrant la possiblité de partager ce qu'on voit en temps réelle et même de discuter avec ses spectateurs grâce aux commentaires des internautes qui s'affichent sur la vidéo.
Des diffusions illégales ont également parfois lieu, comme par exemple le 22 février 2016. Le footballeur Luciano s'est lui aussi rendu célèbre grâce à une vidéo Periscope dans laquelle il répond également aux questions des internautes et fait passer des messages à des amis. Le problème, c'est que le jeune homme de 22 ans est en détention dans le centre pénitencier de Béziers. N'ayant pas conscience des risques qu'il encourait, il fait le tour de sa cellule et se roule même un joint avant de s'en vanter. Ce n'est pas la première fois qu'un détenu se filme en prison. En effet les portables, normalement interdits, passent facilement la sécurité et l'administration qui est dépassée. Luciano a été placé en garde à vue, lundi 22 février.
Le 2 mars 2016, François Hollande lui-même se sert de l'application lors d'une visite dans les bureaux de Showroom privé de Saint-Denis et du débat qui fut donc retransmis. Cependant, comme on ne peut pas filtrer les commentaires directement lors de la diffusion de la vidéo, de nombreux propos injurieux ont été envoyés et après 45 minutes de diffusion ponctués de ce genre de commentaires, l'équipe de communication de l'Elysée a stoppé le direct. L'initiative du président était selon certain intéressante car il varie les modes de dialogue avec les citoyens et va les chercher là où ils sont. Mais en raison de sa faible popularité, à chacun de ses essais, des insultes ont fusées. Ce serait donc plutôt à ses conseillers de maîtriser son image, ce qui n'est ici pas le cas. Mais je dérive sur un tout autre sujet.
Pour rester dans l'utilisation de l'application en politique, dès mars 2015 Nicolas Sarkozy, alors président de l'UMP, a été filmé pendant qu'il prononçait un discours lors de la soirée électorale du second tour des élections départementales. Mais une fois de plus à cause des commentaires, la diffusion ne s'est pas déroulé comme prévu et des internautes ont rappelé les affaires dans lesquelles il était impliquées.
Depuis un certain temps, les agressions et les actes violents ont augmenté sur Periscope. Par exemple en mars 2016, deux employés de SFR ont cassé en direct le téléphone qu'une client désagréable a amené pour le réparer. Ils seront finalement renvoyés. Mais d'autres sont allés plus loin et, fin avril 2016, à Bordeaux, deux utilisateurs ont promis qu'ils iraient frapper des passants quand leur diffusion atteindrait le 40 spectateurs. Ils interpellèrent et agressèrent un homme saoul à la sortie d'une boite de nuit. Très vite leur auditoire avait grimpé jusqu'à 1500 personnes. Le 27 avril, ils seront mis en examen et la victime porte plainte contre eux. Ils finirent par mettre une vidéo d'excuses en ligne sur YouTube.
Mais justement, peut-être qu'au contraire Periscope révèle des choses sur nous, sur l'humanité, des choses qu'on n'a pas forcément envie de voir et qui nous pousse à accuser l'application plutôt que de remettre en cause ses utilisateurs. Ce qui me parait le plus évident, c'est, comme nous venons de le dire, cette recherche d'audience dont on vient de parler. Les personnes se filmant se Periscope promettent parfois de faire telles ou telles choses à partir de tant de spectateurs. Mais maintenant on peut se demander pourquoi ? Pourquoi certaines personnes ressentent-ils ce besoin de s'afficher et d'être suivi par des dizaines, des centaines voire des milliers d'inconnus ? C'est peut-être par un besoin de reconnaissance qui nécessite une confrontation à l'autre. Le regard des autres, être vu par d'autres et la reconnaissance des autres nous rapportent à notre propre existence et nous font nous sentir exister. C'est ce qu'explique Hegel dans son principe de la dialectique. Et/ou il s'agit peut-être de la recherche de la popularité, voire de l'attirance pour la célébrité. Celle-ci est perçue aujourd'hui comme une forme de réussite, alors qu'en réalité il y a bien d'autres façons d'obtenir le bonheur et que ce n'est vraiment ce qui devrait être important pour se sentir heureux. Les célébrités s'affichent publiquement de plus en plus et cela nous fait nous sentir plus proches d'eux, car ils paraissent être des gens comme tout le monde. Alors on peut se dire "Pourquoi pas moi ?" La célébrité donne donc envie et semble de plus en plus accessibles. Alors ce réseau social qui, comme nous le disions précédemment, permet de se constituer son propre Internet-réalité est pour ces personnes un moyen d'y parvenir, de se faire connaître ou de s'en donner l'impression. L'application nous permet de suivre le quotidien d'étrangers en direct et cela donne parfois une étrange sensation de voyeurisme.
Justement, ce voyeurisme est une caractéristique primordiale de Periscope, et ce n'est pas forcément quelque chose de négatif puisqu'il s'agit par essence de la curiosité pour autrui. On peut d'ailleurs se référer à la phrase d'accroche de l’application sur sa page d'accueil : "Explorez le monde à travers les yeux des autres." Et là se trouve peut-être une grande partie de la réponse. Ces gens comme vous et moi partagent des moments de leur vie que nous pouvons, par le biais d'Internet, vivre avec eux, vivre grâce à eux et par eux. Les gens regardent la vie d'autre personne au lieu de vivre leur propre vie, ils ne sont que spectateurs de leur propre vie.
Mais si nous regroupons tout ce que nous avons dit jusque là, nous pouvons même supposer que cela fait ressortir un problème plus profond encore. Il y a peut-être un manque d'écoute qui existe dans notre société actuelle et les personnes sensibles narcissiquement pourraient être attirer par ce réseau social qui leur offre l'attention qu'il recherche vainement et le seul moyen de s'exprimer. Les personnes les plus touchées par ce besoin; ce phénomène sont les adolescents qui traversent une période de leur vie où ils cherchent à savoir qui ils sont vraiment, leur identité, de la reconnaissance, qui manquent de confiance en soi parfois, et qui demandent de l'attention. Tout cela, ils peuvent le trouver sur Periscope, ou du moins c'est le sentiment que l'application donne.
En outre beaucoup soutiennent la thèse que l'interaction dans Periscope est primordiale et fait sa force comparé aux médias de masses traditionnels, un peu comme une radio libre. Certains utilisateurs de l'application font même des diffusions positives et montrent des visites de villes, des couchers de soleil. Des choses très futiles en soient mais qui rappellent que malgré tous les événement survenus en France ces derniers temps, le pays continue de vivre.
Je ne pense pas que nous puissions dire que Periscope est responsable des événements dont nous avons parlé plus tôt. L'application ne peut pas contrôler ce que les gens font dessus car ceux-ci y sont libres et s'en servent comme d'un prétexte pour faire de mauvaises actions, des débordements, des agressions et autres dérives. De plus Periscope a pris plusieurs mesures pour réguler et limiter les problèmes. Les vidéos sont publiques et accessibles à tous par défaut, mais elle permet aussi de privatiser ses vidéos et de limiter son accès à certaines personnes uniquement avant de commencer à diffuser. Par ailleurs, bien qu'on ne puisse pas filtrer les commentaires directement lors de la diffusion de la vidéo, cette limitation permet d’exclure les internautes malveillants. On peut aussi autoriser à commenter uniquement les followers du compte Twitter qui diffuse. On peut également bloquer certains commentateurs au fur et à mesure de la diffusion. En ce qui concerne la géolocalisation, les paramètres permettent de sélectionner une localisation plus large qui empêche donc quiconque de vous situer précisément et de vous trouver.
Certes pour le moment Periscope propose peu de contenus vraiment intéressants ou culturels, mais il a néanmoins tout le potentiel pour se développer et devenir un véritable outil de partage d'informations ou de divertissements. Par exemple, récemment, Rémy Buisine, un community manager de 25 ans, diffuse depuis le début de l'action Nuit Debout contre la loi du travail El Khomri des vidéos en live de l'événement. Il décrit ce qu'il y voit et discute avec des participants : 81 000 personnes ont suivi son live le plus populaire. Il mène, pendant plus de 5 heures, au cœur de l'action, un nouveau genre de journalisme citoyen qu'aucune chaîne télévisée n'aurait pu produire. Il n'est néanmoins par reporter et restent neutre devant les internautes de Periscope, et les deux médias se complètent bien.
Il y également eu les premières images en direct et sur Internet de la Corée du Nord diffusée par la journaliste du Washington Post Anna Fifield lors du congrès du Parti des travailleurs qui ont permis à 130 journalistes de pays différents de circuler dans le pays. Elle montre ainsi sur Periscope les rues de la Corée du Nord et pose des questions aux surveillants qui les encadrent et les suivent partout, M. Pak et M. Jang. Elle explique qu'ils ne sont pas libres de leurs mouvements et que leur itinéraire est solidement cartographié. Elle se trouvait en effet au cœur de Pyongyang, le lieu où se trouve l’élite du régime, et les personnes les plus loyales à ce régime.
Le 11 mai 2016 à 12h13, le collectif Les Parasites mettent en ligne sur YouTube une vidéo qui s'appelle M. Carotte - Lucie et le Périscope. Depuis, le débat est énorme.
Ce contenu est limité à 16 ans. Si la limite d'âge s'affiche pour vous, vous pouvez aller voir la vidéo dans les liens en bas de l'article.
Présentée sous la forme d'un documentaire, un choix justifiée par les scénaristes et réalisateur par une volonté de casser avec les codes des vidéos YouTube, le court-métrage ressemble au film à l'ambiance qui met mal à l'aise C'est arrivé près de chez vous réalisé par Benoît Poelvoorde, Rémy Belvaux (qui est également scénariste) et André Bronzel sorti en 1992. Ici on suit un personnage mégalo et moralisateur qui s'appelle M. Carotte. Ce dernier déteste l'application Periscope et veut nous montrer son côté obscur en nous expliquant son côté exhibitionniste mais aussi voyeuriste, car le pire ce sont pour lui les gens qui regardent. Mais il nous met aussi en garde contre ses dangers et fait une démonstration à la caméra d'à quel point il est facile de se rendre chez quelqu'un en utilisant la géolocalisation. Il choisit une jeune femme de 18 ans, Lucie, et entre de force dans son appartement en prétextant lui livrer un colis, puis il la viole devant près de 10 000 spectateurs afin de lui inculquer une leçon et qu'elle ne recommence pas. Mais Lucie n'a apparemment pas comprise pourquoi il avait fait ça puisqu'elle continue à utiliser l'application et filme un doigt d'honneur à son agresseur.
Beaucoup voient ce court-métrage comme une critique de Periscope. Pour eux l'idée principale et à retenir se tient dans ce que M. Carotte dit au début du court-métrage quand il nous explique ce qu'il déteste le plus dans l'application et son acte montre le danger que représente la géolocalisation. De plus, le nombre affolant de spectateurs qui visionnent cette agression résumerait la société actuelle avec "une perpétuelle recherche de sensationnel, [une prise de] plaisir à visionner de terribles vidéos au point d’en devenir insensible." Ce "court-métrage percutant, tristement drôle et qui touche en plein cœur une génération « complètement inconsciente du danger, toute une génération complètement perdue » comme l’explique Monsieur Carotte", comme l'article d'Urban hit le dit.
D'autres vont jusqu'à donner tort à la victime et on a trouvé plusieurs commentaires de la vidéo de ce genre qui disait que : "Cela montre les problèmes que les réseaux sociaux peuvent amener, surtout comment les personnes exposent leur vie jusqu’à donner assez d’information pour qu’un fou vous retrouve ! Peut-on vraiment dire bravo à cette vidéo ? C’est malheur qu’il faille qu’elle existe, mais elle dénonce parfaitement les dangers qu’encourent les gens à dévoiler leur vie privée au profit de la notoriété." En effet Lucie ici parle de sa vie privée, montre son visage et même ses sous-vêtements à tous les utilisateurs de l'application et certains diront qu'elle "l'a bien cherché". Cependant le viol n'est pas et ne sera jamais une punition.
Une campagne de prévention contre la culture du viol / Un épisode de la série Girls de Lena Dunham qui raconte un viol que la victime n'avait pas conscience d'avoir subi.
Cette vidéo animée explique ce qu'est le consentement en prenant l'exemple d'une tasse de thé.
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M. Carotte et la culture du viol | Source 19 | Source 20 | Source 21 | Source 22 | Source 23 |
Pour voir la vidéo : https://vimeo.com/165846828