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Journal intime - Magnus
Voici une page retrouvée du journal intime de
Vendredi 20 Avril 1968
Je vais mourir.
Cette vérité irrévocable m'a fait l'effet d'un brutal coup de poignard. La maladie qui a emporté mon père vingt-cinq ans auparavant, a tout d'un coup refait surface et a décidé d'user de mon pauvre corps comme support favorable à une douce revanche. A chaque instant, je guette le dernier souffle de ma vie : j'inspire et expire profondément malgré la douleur, comme si c'était la dernière fois que je le faisais. Ce geste automatique est maintenant devenu vital. Il me rassure, me souffle « Tu es encore en vie. »
Cependant, je sens la douleur s'étendre, gagner du terrain. Depuis quelques jours, une lente agonie m'oppresse la poitrine. J'ai eu l'espoir un nombre incalculable de fois que c'était la fin, que la maladie avait pris le dessus définitivement. Et quand impuissante, je lui supplie de me laisser en paix, la force oppressante s'écrase un peu plus en moi. Elle me force alors à garder les yeux ouverts et comme toujours je fixe le plafond imaginant un beau ciel bleu. Flotter dans celui-ci éternellement me semble tout d'un coup être une idée alléchante. Ensuite, tout s'arrête brutalement pendant quelques glorieuses secondes. Je ne sens plus rien, comme si je souffrais trop et que la douleur avait atteint une hauteur si élevée qu'elle ne pouvait aller plus loin . La souffrance se tait alors, mais je sais qu'elle est bien là : tapie comme un animal peureux, mais c'est tout sauf une pauvre bête. C'est un redoutable prédateur qui n'a qu'un seul but : m'achever.
Je passe beaucoup plus de temps à réfléchir. Par exemple, aujourd'hui, je me suis surprise à penser à mon père. Je me suis repassée en boucle le souvenir du jour où j'ai désobéi à ma mère en emmenant Judith Evans près de mon père. Cette petite victoire culottée me fera toujours sourire. Je crois qu'à l'époque j'avais déjà compris qu'il n'y avait rien de plus terrible que de partir sans dire au revoir à ceux qu'on aime. Et maintenant, j'ai l'impression que l'histoire se répète encore et encore comme une boucle infinie, un cercle cyclique infernale. Cependant, je sais que je partirai dans l'allégresse d'une vie remplie d'amour et de joie grâce aux hommes qui ont fait de ma vie une joyeuse péripétie. Terence, mon âme frère. Scott, mon ami. Et Magnus. Preuve vivante de l'amour et de la passion insatiable. Mon bien-aimé. Jamais il ne saura combien j'ai été amoureuse de lui.
Je n'ai pas peur de mourir, je regrette juste de quitter ce monde maintenant que tout semble enfin bouger, que l'on entre peut-être dans une aire plus paisible. Oui, le monde va me manquer. Et par dessus tout, j'aurais aimé un millier de fois avoir plus de temps avec ceux que j'aime. C'est mon dernier rêve inaccessible.
Merci d'avoir été là dans les meilleurs et pires moments de ma vie. Sache que tu m'as été d'un précieux réconfort. Ma vie est une œuvre inachevée mais grâce à toi, à eux, à lui, elle a été remplie de merveilleuses aventures. A présent, je m'en vais pour Comala...
Pour toujours,
May Glearnerstones