Images parlantes (par Benedetta V.)

Suite à la réflexion et aux lectures qui ont suivi les attentats de Paris,nous avons élargi notre discussion en classe en approfondissant les textes des Lumières.
Un professeur de notre lycée, M. Bruciati, qui a participé à une caravane humanitaire organisée par notre Mairie et à qui des répresentants su Parlement italien se sont joints; nous a montré les photos qu'il a prises et chacun de nous a fait parler sa photo.
Voici mon texte : Une poupée en chiffons.
▲Photo prise par Marco Bruciati
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Je ne peux plus éprouver celle magnifique sensation de voler, le frisson d'être lancée là-haut, en arrivant à deux doigts du ciel ; et ses mains qui me serrent, ses bras qui m'embrassent comme si mon cœur pouvait battre. Mais de fait, il ne peut pas du tout. L'idée que je vais être pierre et peinture pour tout le temps qui me reste à vivre me détruit totalement. Je ne peux pas sentir ses mains mignonnes alors qu'elle joue avec mes cheveux en laine, comme pour les coiffer. J’ai oublié sa voix au moment où elle inventait des conversations, en faisant semblant d'être moi-même ; elle imaginait des histoires si profondes que j'avais eu envie de pleurer, mais je ne pouvais pas, il n'y a pas de larmes dans mon corps. Maintenant je suis morte. Je suis seulement un dessin, le dessin d’une poupée. Avant, j’étais vraie, faite en tissu, une vraie poupée en chiffons, je le jure ! J’avais cette jolie robe rouge, ça était trop mignonne. Puis des soldats sont arrivés, ils ont crié quelque chose que je n’ai pas compris (au fait, je ne pourrais comprendre qu’elle, la petite fille). J’ai presque oublié de vous dire qui est la petite fille. C’est la plus douce petite fille au monde, elle m’a trouvée un jour de pluie près les décombres d’une école maternelle, elle m’a prise et elle m’a fait sa meilleure amie. Et moi, j’ai essayé de lui rendre l’affection qu’elle m’a donnée, dans la mesure du possible. Eh bien, moi j’étais seulement une poupée en chiffons ! Mais, je le jure, elle m’a appris à écouter les sensations, à éprouver des sentiments. Avant j’étais une poupée. Quand ils sont arrivés, ils ont tout détruit. La petite fille, (pardonnez-moi pour la répétition mais je n’ai jamais connu son prénom, je n’ai pas eu le temps), elle n’a pas couvert mes yeux tandis que habituellement elle le faisait, quand elle voyait des choses terribles. Elle n’avait pas eu le temps de le faire, ou peut-être elle avait trop peur, effrayée par l’horreur que j’aurais vue juste quelque seconde plus tard. Elle savait que ce genre de rencontres, avec ces gens-là, elles ne portent rien de positif. Les militaires ont tué tout le monde et quand ils ont vu la petite fille, ils m’ont arrachée de ses bras et ils m’ont lancée dans les camps. Elle s’enfuyait et quand elle était assez loin, elle a cherché un mur intact, qui ne fût pas dévasté par toutes les balles et toutes les bombes qui ont tué l’âme de cette ville. Elle m’a dessinée pour ne pas oublier, pour me garder vivante encore un peu. Je ne sais pas si elle est morte , je ne peux plus la suivre : maintenant je suis ancrée à ce mur, qui semble plus triste que moi. Je suis ici pour crier à ceux qui me voient qui même si je suis terriblement seule, je ne veux pas quelqu’un d’autre pour être rapprochés de moi, car cela signifierait son mort. Je ne veux pas voir ma petite fille, ou des autres enfants, des mères, des autres personnes dessinées ici, et leur os va savoir où… Je ne veux pas que les personnes meurent, à cause de ceux-ci ne se sentent pas coupable pour tuer, ceux qui sans une once de compassion détruisent des familles, déchirent rêves des enfants qui ne savent pas s’ils pourront se réveiller vivants. Ça devrait toucher tous. Tous les peuples civils doivent s'engager car cette situation concerne tous et l'indifférence est la plus inhumaine arme. On doit faire face aux insouciants et reconstituer l'identité des civils impliqués dans la guerre : un jour, ça sera la plus belle victoire.