Lecture cursive - Gargantua
Présentation
En 1534 ( ou 1535 ), le célèbre humaniste français François Rabelais publie La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel. Cette oeuvre, qui va rester comme l'oeuvre la plus célèbre de l'écrivain, conte les années d'apprentissage et les exploits guerriers de notre héros. Gargantua est bien entendu un géant, il est le père de Pantagruel, dont Rabelais avait conté les aventures dans son tout premier roman. L'idée d'une oeuvre homogène et indissociable de l'Humaniste Rabelais avant tout, et d'une histoire relatant les aventures de trois générations : Grandgousier, Gargantua, et Pantagruel. C'est dans un contexte diffcilile que Rabelais publie ses textes, il use donc d'un pseudonyme afin d'échapper à la censure de la Sorbonne. Ce pseudonyme, qui est le même que pour Pantagruel est Alcofribas Nasier.
Résumé
De l'union de Grandgousier et de Gargamelle naît Gargantua. On peut dire que l'enfant va naître dans des conditions qu'on peut qualifier d'étranges. Tout d'abord, l'enfant va être porté par sa mère durant onze mois. Puis Gragantua va naître à l'origine d'une immense beuverie organisée par Gargamelle pour Mardi Gras. Malgré son état de grossesse et les remontrances de son mari à son égard, Gargamelle ne se prive de rien. Elle danse, chante, et boit énormément. A l'issue de ce gigantesque buffet, Gargamelle va finalement metrre au monde Gargantua. Celui-ci va naître de l'oreille de sa génitrice. L'enfant réclame aussitôt à boire. A la fois surpris et amusé, son père, découvrant l'enfant s'écrie : "Que grand (gosier) tu as", ce qui vaudra à l'enfant d'être appelé sous le nom de Gargantua.
Entre trois et cinq ans, Gargantua est élevé relativement librement ; il fait ce que bon lui semble, profitant le plus possible du merveilleux berceau de l'enfance. Il boit, mange, court et crie selon ses plaisirs. Puis le petit Gargantua va bénéficier d'une éducation délivrée par des pédagogues plutôt traditionnels. Grandgousier part en guerre, puis à son retour, victorieux, il retrouve son fils bien-aimé. Entretemps, le jeune Gargantua accroît son intelligence et son regard extérieur. Il a cherché quel pouvait être le meilleur torchecul possible, réflexion très surprenante. Grandgousier, supris par l'intelligence de son fils, va décider de lui faire apprendre les lettres latines par Thubal Holoferne, théologien réputé. Cette décision s'avère être une grossière erreur, le professeur lui faisant apprendre et réciter par coeur, à l'endroit et à l'envers, d'après les méthodes moyennageuses.Grandgousier décide alors de donner a son fils un nouveau maître. Ne voyant aucun changement au fil des jours, Grandgousier décide finalement de confier l'éducation de son fils à Ponocrates, précepteur humaniste extrènement réputé.
Gargantua part alors en direction de Paris dans l'intention d'y suivre de nouvelles leçons. Il y part accompagné de sa nouvelle jument venue d'Afrique qui chasse les taons et les mouches de sa queue avec une telle force qu'elle race toute la forêt de Beauce. A son arrivée à Paris, Gargantua suscite la curiosité de tous les Parisiens. Pensant qu'ils attendent un cadeau de bienvenue de sa part, le géant ne trouve mieux que leur uriner dessus, noyant alors la plupart des habitants. Puis Gargantua s'empare des cloches de l'Eglise Notre-Dame, qu'il accroche au cou de sa jument. Il va finalement les remettre à un doyen de la Sorbonne, Janotus de Braquemardo Peu après son arrivée à Paris, le jeune géant va bien entendu suivre des leçons. La méthode de travail de Ponocrates consite tout d'abord à observer Gargantua sans intervenir. Ponocrates va dans un premier temps lui imposer un nouvel emploi du temps et mode de travail pour lui faire complètement oublier ses anciennes leçons. Puis Gargantua suit alors une éducation humaniste, encyclopédique et morale, où l’exercice physique et l’hygiène corporelle sont aussi très importants. Petit à petit, Gargntua va se faire aux méthodes humanistes, apprenant de manière ludique et surtout libre. A la fin de son éducation, Ponocrate va rapporter à Grandgousier un véritable érudit.
Peu après, pendant la saison des vendanges, la guerre est déclarée par Pichrocole, roi de Lerné au royaume de Grandgousier, en raison d'une dispute pour des fouaces. Le royaume de Grandgousier est alors envahi par Pichrocole. L'armée de Pichrocole se met rapidement en route, les ennemis pichrocoliens pénètrent dans les campagnes de Grandgousier, pillant, volant, et saccagant tout sur leur passage, malgré l'effroyable peste environnante. Grandgousier, contrairement à Pichrocole, ne recherche que la paix et ne comprend l'amitié trahie de Pichrocole. Grandgousier ne parvenant pas à ramener Pichrocole à la raison,il décide dans un prremier temps d'envoyer un messager à Pichrocole, Ulrich Gallet, qui se rend au château de Pichrocole afin de s'entretenir avec ce dernier. Malgré les nombreux gestes et tentatives de rétablissement de la paix, Pichrocole ne veut rien savoir, refusant les conditions du roi Grandgousier. Alors le roi fait désespérément appel à son fils Gargantua. Ce dernier prend alors la tête des combats. Il est aidé par Frère Jean des Entommeures, dont le courage et la bravoure sont exemplaires. Gargantua est finalement victorieux et Pichrocole est contraint de s'enfuir loin de leurs terres. On ne sait pas réellemnt ce qu'il devient. Enfin, Gargantua rédige et proclame un discours sur la morale politique. Il indique également que le royaume vaincu reviendra à son fils Pantagruel et que l'éducation de son fils sera, tout comme lui, confiée à Ponocrates, en qui il possède une très grande confiance. Finalement, la victoire contre Pichrocole est célébrée à la fameuse abbaye de Thélème.
Dans un premier temps, il faut bien évidemment rappeler que Rabelais est un des plus grands et plus profonds humanistes de la Renaissance, il a foi en l'homme ainsi qu'en ses progès intellectuels. A travers Gargantua, Rabelais va faire transparaître d'innombrables notions humanistes. Par quelques exemples provenant du livre Gargantua, on peut voir que l'ensemble de l'oeuvre rabelaisienne montre l'humanisme de l'écrivain, qu'il traduit encore plus particulierement dans cet ouvrage. Rabelais fait partie des membres fondateurs de l'humanisme, il a apporté de nouveaux concepts et de nouvelles idées à l'Humanisme.
Dans ce récit on peut voir le génie de Rabelais à l'oeuvre, le parfait modèle des humanistes de la Renaissance, qui luttent avec enthousiasme pour renouveler, à la manière de la pensée antique, l'idéal moral et philosophique de leur temps. La Renaissance est " l'époque de l'Humanisme". Libre penseur et critique vis à vis des questions de son temps, Rabelais est bien également navigateur en pensée, paillard en paroles et grand buveur, c'est une des figures majeures de la Renaissance.
"A travers les formes infiniment variées de son génie, deux tendances fondamentales résument ses aspirations essentielles : la passion de l'humanisme et l'amour de la nature. "
L'auteur nous plonge dans un monde de fantaisie, de joie et de bonne humeur, mettant en scène des géants aux allures très sympathiques et possédant un appétit et un estomac démesuré. Ces géants aiment avant tout la vie et les bonnes choses. Un exemple, le vin, qui est pour Rabelais une sorte de religion, de divinité. La nourriture devient ici chez Rabelais une forme de connaissance. Les géants s'empiffrent, c'est aussi de connaissances, de culture, il y a une vraie soif du savoir, qui était un des principes fondamentaux de l'Humanisme. Pour Rabelais et les humanistes, la culture permet l'épanouissement de l'individu ainsi qu'une ouverture sur les autres.
L'éducation, qui est, comme je l'ai dit plusieurs fois, mise en valeur dans ce roman, est un thème fondamental que l'on retrouve à plusieurs reprises dans l'oeuvre rabelaisienne. Il s'agit de former l'élève dans une culture plutôt classique, de retrouver les humanités grecques et latines, de donner au jeune disciple un esprit critique afin d'acquérir une ouverture sur les hommes et le monde qui l'entoure. L'humaniste qu'est Rabelais se soucie bien évidemment du bonheur de l'Homme. Il dénigre en tout fait les guerres violentes et les conquêtes inutiles.
Rabelais va nous présenter de nombreuses facettes de l'humanisme. Il va nous montrer la plupart des classes et institutions sociales. Il parle à la fois du peuple et des humbles, de la bourgeoisie et des élites. Il retient le professeur d'université, ainsi que les nobles et les princes. Il s'en prend, parfois d'une manière assez féroce mais toujours drôle aux moines, aux juges et aux avocats, dont il arrive à tourner en dérision la sottise. Il arrive aussi à critiquer les vices citadins mais il est surtout très attentif aux problèmes relatifs à l'éducation, à la politique et à la religion.
Dans Gargantua, Rabelais va attacher énormément d'importance à la religion et à l'éducation notamment. On peut voir que l'éducation de Gargantua représente un programme gigantesque, auquel aucun être humain ne pourrait survivre. En effet les disciplines étudiées sont multiples et variées ( scientifiques, artistiques ) , avec un nombre de matières exceptionnel, synonyme de l'appétit de connaissances qui caractérise si bien l'humanisme. Le programme est très minutieux, il y a énormément de choses, 'est une réelle invitation à l'effort, au travil, à l'action. La religion est discrètement présente dans l'éducation du géant, Rabelais veut témoigner son attachement à la foi, il veut élever l'homme spirituellement. Le corps occupe une place extrênement importante avec de nombreux exercices physiques variés, de nombreux sports étudiés. Certains choix sont significatifs dans l'éducation de Gargantua, avec notamment les lectures Antiques qui sont à plusieurs reprises mentionnées dans le roman. La vraie sagesse se trouve dans les Livres des Anciens. L'écriture, qui est ici très importante, est romaine. Les Humanistes préféraient l'élégance des caractères romains, inspirés de l'Antiquité, symbole de la pensée nouvelle dont ils sont les défenseurs.
L'éducation de Gargantua est basée sur des principes humanistes, c'est une éducation vivante avec une grande diversité des contenus (éducation de l'esprit mais aussi du corps ), le but étant de varier le plus possible les activités et de laisser une certaine liberté à l'enfant afin qu'il s'épanouisse dans le bonheur et le savoir. L'humanisme est avant tout une philosophie de la liberté. A travers cette éducation nouvelle, on peut entrevoir la valorisation du plaisir avant tout, la soif de savoir passe par le plaisir d'apprendre dans une atmosphère de gaieté. Puis cette éducation se doit d'être très instructive, il faut donner beaucoup de sens aux apprentissages multiples, le but est de ne pas apprendre pour réciter, le but est de comprendre ce que l'on apprend. Il faut construire son savoir à partir de l'observation du monde qui nous entoure et de l'expérience. Le savoir n'est pas seulement abstrait, il est théorique et pratique, ce qui le rend plus efficace. On a à faire à l'apppropriation du monde par l'Homme et par le savoir de l'Homme.
De plus, Rabelais, avec la création de l'abbaye de Thélème, va dénoncer en tout points la société dans laquelle il évolue, en proposant son monde rêvé, il réalise une utopie. Les gens qui logent dans cette abbaye reçoivent une éducation propre à l'Humanisme, basée sur l'harmonie collective, l'étude, le savoir et le raffinement dans tous les domaines.
Rabelais nous donne donc, à travers les modes de fonctionnement et de vie à Thélème, la description d'un univers idéal conforme aux aspirations des humanistes. Leur vie y est réglée non par des lois, des statuts ou des principes rigides, mais selon leur volonté et leur libre arbitre. Ils sortent du lit quand bon leur semble, boivent, mangent, travaillent, dorment, se divertissent quand le désir leur vient. Nul ne les éveille, nul ne les oblige à faire quoi que ce soit. Ainsi en a décidé Gargantua. "Fay ce que tu voudras". Cette règle définit une société pleinement démocratique, libre. C'est un univers où les conflits entre humains n'existent pas. C'est une vie communautaire et mixte où le conflit n'apparait jamais. Il y une notion de collectif, l'intérêt général l'emporte toujours sur l'individuel.
Rabelais dénonce l'esprit de superstition des moines, le fanatisme religieux et les pratiques liturgiques. La vraie sagesse consiste dans le mépris de la gloire et des richesses et dans l'amour de l'autre. Les notions de liberté, de tolérance, d'indépendance, d'ouverture et de curiosité sont absolument indissociable de la théorie humaniste.
Cette œuvre rabelaisienne est donc une œuvre profondément humaniste. L'apologie de la vie et la satire religieuse qui y est faite rentre donc dans les critères qui définissent l'humanisme classique. L'Homme est au centre de tout, il cherche la connaissance et, il est libre de ses pensées et de ses mouvements. Il doit être bien dans sa peau et heureux. L'esprit et le corps doivent être en parfaite osmose. La critique de la superstition est l'apparition dans l'humanisme de la raison, c'est-à-dire l'intelligence critique, le libre arbitre. L'amour de la science est transcrit, chez Rabelais, par une pédagogie active et des termes hautement scientifiques pour l'époque. Pour lui, le savoir est la liberté.