Lettres persanes 2017 - Grisailles

Je suis à Brest depuis trois jours maintenant et, bien que la ville soit plus calme que Paris, je suis loin d'y trouver la tranquillité de notre pays.

Brest est une ville du littoral : il y a la mer ici ! Je me promène, des heures durant, le long de la plage du Moulin blanc. J’y vois des rangées de bateaux de plaisanciers, puis la côte après une bande de mer. Le ciel est gris, la mer est noire, la plage est verte, mais pas d’une belle couleur verdoyante, d'un vert d’algues échouéées.

Je te disais que le ciel était gris : il l'est autant que les immeubles de la rue de Siam et de la rue Jean-Jaurès. Il faut imaginer un pont gris, un arbre de fer, une rue qui monte jusqu’à une place grise, la place de la Liberté, puis le prolongement de la rue qui monte, des galeries, puis une rangée de kebab sur les deux côtés de la voie, et une autre place, la place de Strasbourg. Un lycée gris, une place grise, et au centre quatre escaliers qui se croisent et ne mènent nulle part : il a été élu le bâtiment le plus moche de France, tu y crois ? (...)

A côté de la plage que je t’ai décrite, il y a un grand dôme blanc : ça s’appelle Océanopolis. J’y suis allée pour un événement qui s’appelle "La nuit des chercheurs". C'est une sorte de zoo pour les animaux marins. Ils enferment des poissons, des pingouins, des loutres et des requins derrière des vitres, tu y crois ? J'ai du mal à imaginer nos chevaux enfermés de sorte à ce que les visiteurs puissent les voir toute l’année. (...)

Les gens ne sont pas beaucoup plus à l’écoute des autres qu’à Paris. Il suffit de regarder par exemple les lycéens sortir du lycée à 18h. Il fait presque nuit, ils sont tous habillés avec des couleurs sombres, il regardent leurs chaussures, ils mettent leurs écouteurs et vont s’entasser dans l’autobus qui les ramènera chez eux. Tu imagines tous les jeunes serrés les uns contre les autres sans s’adresser la parole ? (...)

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